(Romane) Un au revoir

June va partir. Loeiz n’est pas prêt à ça, il ne l’accepte pas et pourtant, il a sa main dans la sienne. Ce sont les derniers instants qu’ils passent avec elle, les derniers avant qu’un médecin la prenne en charge, la pique comme on pique un animal gravement malade, pour lui éviter de souffrir. Mais lui, il souffre à cet instant. Il s’efforce de garder toute la douleur qu’il a au cœur, de ne pas trembler. Il ne sait pas comment il fait, mais il lui adresse même un sourire, pour qu’elle garde ce visage en mémoire. Loeiz n’est pas croyant, il ne pense pas qu’il y a quelque chose après la mort, mais quelque part au fond de lui, il espère. « Si je pouvais lever la main, je t’ébourifferai les cheveux. » dit-elle, dans un sourire tendre. Lui, il aimerait qu’elle pose sa main sur son visage, alors il le fait, l’attrape, la pose sur son visage, puis la remonte jusqu’à ses cheveux, comme pour lui donner l’impression qu’elle peut lui mettre ses cheveux en vrac. Il l’aime sa June. C’est sa meilleure amie, elle le sera toujours. Il se souviendra toute sa vie de son visage, de son sourire, de son rire, de tout ce qu’ils ont fait. Elle l’a aidé à remonter la pente, à ne pas faire attention à sa famille qui n’a d’yeux que sur le petit Faure. June lui a apporté beaucoup et elle est sur le point de s’en aller. « Tu ne veux pas changer d’avis ? Il y a encore beaucoup à faire ici. Tu peux changer d’avis, ils comprendront. » qu’il dit, le cœur blessé, en larmes, en sang, mais June le regarde avec un air navré et il comprend. Il l’embrasse sur le font, sur sa joue. « Comment va Leo ? » June a été la seule mise au courant. Loeiz n’est pas du genre à s’épancher sur sa vie personnelle, plutôt habitué à se protéger, à ne pas donner aux autres de quoi l’atteindre, mais June, c’est différent. Elle sait tout de lui. « Elle va bien. » Il aimerait qu’elle soit là, d’ailleurs, qu’elle lui tienne la main, mais d’un autre côté, il ne veut pas qu’elle le voit aussi mal. « Tu lui passeras le bonjour. » Il acquiesce d’un signe de tête, même si au fond de lui, il aimerait lui demander de le lui dire elle-même, de repartir à Biarritz, de reprendre sa vie en main, mais il a déjà essayé tout ça. « Ca te va bien d’être à deux. » Il entrouvre la bouche, s’apprête à lui demander à qui est-ce qu’il va demander conseil quand il sera paumé, mais il se contente de dire : « C’est ce que je me dis aussi. » dit-il, alors qu’elle tourne maintenant la tête vers sa petite sœur qui est à l’autre bout du lit. Loeiz profite de ce moment d’inattention de sa part pour effacer la larme qui roule sur sa joue, qu’il a laissé s’échapper tant c’est trop dur.

Loeiz baisse les yeux, pour ne pas observer la scène, leur laisser un peu d’intimité, mais il entend tout. Il entend June réconforter sa petite sœur, il l’entend lui dire de belles choses et il se pince fort les lèvres pour retenir ses larmes. Il ne sait pas où il trouve la force, mais il y arrive, certainement parce qu’il n’a pas envie que June le voit si mal. Il l’est pourtant, mal. Il ne va pas bien. Il joue le dur à longueur de journée, mais là, il est à deux doigts de s’effondrer et plus elles discutent, plus ça devient difficile de jouer l’homme fort qui tient le coup, qui fait face à une situation qu’il n’arrive pas à accepter. Lui non plus, il n’y arrivera jamais sans elle et il est très loin d’être le gars le plus fort qui existe sur Terre. Là, on peut même le considérer comme le type le plus faible. Il resserre tendrement la main de sa meilleure amie qui affiche un sourire une fois la promesse faite et lui, il se jure que même s’il s’est mal comporté avec Romane, même si les choses ne sont pas toujours toutes roses entre eux, il fera ce qu’il faudra si elle venait à avoir besoin d’aide, de lui. Parce que c’est ce qu’elle voudrait June, qu’il prenne sa suite. Derrière lui, il entend des pas et lorsqu’il tourne la tête, c’est pour voir un médecin et son infirmière sur le pas de la porte, avec tout le matériel. C’est l’heure, c’est ça ? C’est l’heure de lui dire au revoir ? Ses doigts se crispent sur la peau de June. Il ne veut pas la laisser partir, il souhaite la retenir encore un peu et puis finalement, il pose sa tête sur le ventre de sa meilleure amie, cache son visage, resserre son autre main sur ses vêtements. Il se sent détruit de l’intérieur, complètement vide. « Je t’aime. Je t’aime, putain, je t’aime. » Ces mots, il ne les dit jamais, ils sont trop importants, il faut que ce soit quelqu’un qui le mérite, mais oh ça oui qu’il l’aime sa June et il en profite autant qu’il peut. « T’es tout ce que j’ai de plus cher. » Comment il va faire maintenant, sans elle ? Loeiz relève le visage vers elle, prend sa main, la remonte près de ses lèvres pour l’embrasser, puis il dépose des baisers sur son visage, à elle, sur sa joue, sur son front, sur son crâne. Il la regarde, ses yeux, ce sourire qu’elle s’efforce de garder. Elle veut qu’ils se souviennent d’elle comme ça, pas en pleurs. Et lui, il veut seulement se souvenir d’elle tout court. « Je t’aime aussi. Je vous aime, tous les deux. » dit-elle, en embrassant la joue de Loeiz, en demandant à Romane de se rapprocher à son tour, pour faire de même et le corps médical arrive. Il se lève, à contrecœur, il s’éloigne, garde sa main dans la sienne jusqu’à ce que la présence de l’infirmière près du lit les sépare. Loeiz se mord les doigts pendant qu’ils l’aident à partir, pendant qu’ils lui font une piqûre, sous leurs yeux. Il se place près de Romane, la seule place disponible et reste auprès de sa meilleure amie qui prononce quelques mots, ces derniers. Il reste là, jusqu’à ce qu’elle ferme les yeux, jusqu’à ce qu’elle ne respire plus, jusqu’à ce qu’elle les laisse. Loeiz ne tient plus, ferme ses paupières pour ne plus qu'elle regarde le plafond et laisse tomber sa tête sur ce corps qui ne lui répondra plus, d’aucune manière.