(Leo) Un grand vide...

June est partie. Cette phrase tourne en boucle dans sa tête depuis son retour de Suisse, là où June a fini ses jours. Il se rappelle de leur conversation, des derniers mots qu’ils se sont dits... Il aurait aimé lui dire tellement plus de choses. Loeiz a énormément de regrets, dont celui de ne pas l’avoir protégé de son frère. Il devrait ressentir de la colère à son égard, mais il y a ce vide qui l’accompagne depuis la perte de sa meilleure amie. En même temps que de la perdre, il a perdu une partie de lui-même. L’envie de se battre, il ne l’a plus. Il a longtemps essayé de la dissuader, de la faire changer d’avis et ça n’aura servi à rien, alors il s’autorise à doucement baisser les bras. Lui qui ne ressent rien physiquement, qui n’a aucune idée de ce que peut être la douleur physique, il sait ce qu’est la douleur morale. Son cœur saigne, pleure et il aimerait que les larmes roulent sur ses joues aussi, mais il n’a eu de cesse de les retenir et il le fait encore, sachant très bien que s’il s’effondre, les larmes ne s’arrêteront plus de couler, mais elles sont là, constamment au bord de ses yeux. Il se sent minable, si bien qu’il ne quitte plus son logement depuis plusieurs jours, qu’il ne répond à aucun appel. Son téléphone portable doit bien être déchargé depuis le temps, mais il ne s’en préoccupe pas. Il passe son temps entre son lit, sa douche pour rincer ses maux, ou encore ce rebord de fenêtre sur lequel il est installé, la tête plaquée sur la vitre. Il ne fait rien d’autre que de rester immobile, s’évite de se confronter aux nombreuses photos qu’il y a dans l’appartement, des photos qu’il a toutes baissées pour ne pas revoir le regard de June. Il ne fait pas non plus attention à son salon qu’il a mis en vrac peu après son retour, parce qu’il n’y avait que comme ça qu’il a su s’exprimer, en envoyant valser chaque objet, en les brisant. C’est que matériel, ça lui est égal. Lui, tout ce qu’il veut, c’est retourner en arrière et changer les choses. Il veut réentendre la voix de June, autrement que sur ce répondeur qu’il a appelé de nombreuses fois ces derniers jours. Il a envie de la reprendre dans ses bras, de sentir les siens autour de lui, de sentir son sourire se dessiner sur son visage alors qu’elle a celui-ci enfouit au creux de son cou. Mais il sait pourtant que ça ne se réalisera pas et c’est ça qui est le plus difficile, qu’il n’y aura plus jamais un eux réunis, en plus de prendre conscience qu’elle n’a pas eu la vie rêvée, celle qu’elle aurait souhaité. Il ne s’attache pas à beaucoup de monde, rares sont les personnes qui comptent vraiment. Il sait pourquoi, maintenant. Ca fait mal, les séparations.

« loeiz… c’est leo…. je suis inquiète, ouvre que je sache que tu vas bien et je te laisse tranquille… s’il te plait… » leo à la porte de son appartement à toquer. à parler à une porte ignorant bien s’il était de l’autre coté pour l’entendre. elle n’avait pas eu de ses nouvelles depuis un moment. elle s’inquiétait. c’était pas dans ses habitudes. d’ordinaire, elle aurait lâcher l’affaire. elle serait passer à autre chose. tu veux pas me répondre. très bien. je vais pas te forcer. me parle pas, je m’en fous, je passe à autre chose. sauf que là c’est différent. c’est lui. elle peut pas passer à autre chose. elle a pas envie de passer à autre chose. elle a le sentiment que quelque chose cloche, que ce n’est pas normal, qu’il doit s’être passé quelque chose, qu’il ne va pas bien. alors elle est là comme une conne devant sa porte. à attendre un quelconque signe de sa part. inquiète comme elle ne l’a jamais été. elle regarde son portable, avec ses messages non délivrés. elle essaye d’appeler tombe directement sur le répondeur. est-ce qu’elle devient folle? est-ce qu’il l’ignore délibérément? est-ce qu’il s’était foutu d’elle, qu’il avait eu sa vengeance? était-elle en train d’être cette pauvre fille qui se dit que quelque chose de grave est arrivé à son copain alors qu’il a juste décidé de la larguer comme une merde et de passer à autre chose? elle tape une nouvelle fois son poing contre la porte. elle a l’impression d’être pathétique à dévisager la porte qui reste immobile, fermée devant elle. une petite vieille, voisine de palier de loeiz la dévisage. leo se dit qu’elle a du en voir de filles défiler, ayant l’air tout aussi désespérer qu’elle a cette instant. elle se dit qu’il ne lui répondra pas. elle s’apprête à partir un gouffre se formant dans sa poitrine quand le bruit de la porte qui s’ouvre se fait entendre derrière elle. elle a peur de se retourner et de tomber nez à nez avec une femme, peu vêtue. peut-être qu’il aurait mieux valu au final, parce que la vision qu’elle a à l’ouverture de la porte ne lui fait pas plus plaisir. loeiz. ou plutôt l’ombre du loeiz qu’elle connait. pas apprêté, pas rasé. elle entrevoie son salon en chantier. elle ne dit pas un mot. cette vision la laisse sans voix. tout ce qu’elle parvient à faire c’est remettre ses cheveux un peu en place, caresser son visage, sa barbe, avant de l’enlacer, fermant la porte de l’appartement derrière elle. pas besoin que quiconque d’autre le voit comme ça, il ne le voudrait pas, elle le sait. elle sait même pas si elle va avoir le droit de rester. peut-être qu’il a honte qu’elle le voit comme ça et qu’il va la mettre à la porte mais pour le moment elle lui caresse les cheveux, pour essayer d’apaiser loeiz, son loeiz qu’elle sent dans un piteux état.  

Leo. Leo. Ce prénom résonne dans sa tête, alors qu’il a toujours les yeux posés sur le paysage extérieur. Il ne fait pas encore nuit, il y a même encore un peu de soleil, pourtant tout lui paraître sombre, gris, comme son humeur. Il n’a d’abord pas l’intention de se lever, la laisser partir, ne pas la laisser le voir dans cet état, ce serait mieux. Elle n’a pas besoin d’un gars comme lui, au fond du gouffre… Mais lui, il a besoin d’elle. C’est quand il percute qu’il a besoin de sa présence plus que n’importe quoi qu’il se lève, parcours la pièce et lui ouvre, sans un mot. Elle est là Leo, elle ne l’abandonne pas, même en le voyant dans cet état. Elle ne prend pas la fuite, elle lui donne de l’affection, même, en le prenant dans ses bras. Il a les bras le long de son corps, ne réagit pas tout de suite et c’est en sentant ses doigts dans ses cheveux qu’il l’entoure de ses bras, resserre ses mains sur son dos, puis sur ses épaules, comme si sa vie en dépendait. Il a besoin d’elle, de son odeur, de ses lèvres, de sa peau, d’elle entièrement. Il enfouit son visage au creux de son cou et laisse échapper un murmure : « Ne me laisse pas. » Il ne sait pas d’où il sort ça, où il a été cherché la force pour prononcer ces mots, mais il les sort et ça vient du plus profond de son cœur, même si ce n’est pas audible. Ce sont les premiers mots qu’il souffle depuis son retour et c’est étrange. Peut-même qu’il préférait son silence. « Ne m’abandonne plus. » Il ne supporterait pas un nouvel abandon. Loeiz sent ses larmes lui montrer aux yeux en pensant à cette éventualité, des larmes qu’il retient du mieux qu’il peut, pour ne pas lui offrir un spectacle plus désastreux qu’il ne l’est déjà, mais ça c’est un autre problème. « J’suis pas le mec parfait… » Lui qui est si sûr de lui en temps normal, qui sait ce qu’il vaut, il en a pris un gros coup avec la mort de June. Il a connaissance d’être un sale con, souvent, qu’il ne fait pas du bien autour de lui et ça ne lui pose aucun problème de conscience. Il n’aime pas les gens. Mais il ne veut pas finir seul, surtout pas maintenant qu’il n’a plus June, qu’il a retrouvé Leo. « Mais j’suis grave attaché à toi. M’laisse pas. » souffle-t-il, sans oser relever les yeux vers elle, lorsqu’il lui confie ces choses qui ont de l’importance. Il ne sait pas s’exprimer sur ses sentiments, il ne les exprime peut-être pas très bien d’ailleurs. Pourtant ce qui se passe en lui, vis-à-vis de Leo, c’est terriblement fort. Il n’arrive pas à se voir sans elle et il a peur, là, qu’elle se rende compte qu’il n’est pas un gars fait pour elle, qu’elle mérite mieux, parce que c’est vrai. Il a beau lui dire qu’elle ne trouvera pas mieux que lui, cette fille, il la trouve tellement bien qu’il y a forcément mille fois mieux.

ça lui fait mal de le voir comme ça. elle ne le reconnait pas. elle ne sait pas quoi faire. elle suit son instinct. son instinct lui dit de le prendre dans ses bras, de le serrer tout contre elle pour essayer de retenir les morceaux cassés de son être ensemble. elle le prend dans ses bras autant que sa petite carrure le lui permet, sur la pointe de pieds. elle ne dit pas un mot. elle n’est pas sûre qu’il est envie de parler et si ce n’est pas le cas, c’est pas bien grave. elle le laissera faire. elle fera tout ce dont il aura besoin, pour plus le voir comme ça. ça fait trop mal de le voir comme ça. elle sent son coeur se serrait dans sa poitrine, elle a presque envie de pleurer à l’entendre presque supplier de ne pas le laisser, l’abandonner. elle n’en a aucune envie, de partir, elle veut être avec lui, elle veut retrouver le loeiz qu’elle connait. elle veut prendre soin de lui. elle veut être là pour lui. elle sert la mâchoire pour pas pleurer de le voir dans un tel état, c’est pas à elle de pleurer, c’est à elle d’être forte, de le tenir à bout de bras s’il le faut pour qu’il aille mieux, pour qu’il se retrouve. elle secoue la tête quand il dit ne pas être le mec parfait. elle s’en fout. elle veut pas d’un ken parfait, d’un pseudo prince charmant à la con. c’est chiant la perfection. elle en veut pas. elle veut son loeiz, comme il est, elle veut pas le changer. sans le lâcher, elle se recule juste assez pour le regarder, posant une de ses mains sur sa joue, pour qu’il l’a regarde « regarde moi loeiz. je suis là. je vais nulle part. j’te laisse pas. je reste là pour aussi longtemps que tu le souhaite. t’inquiètes pas. » elle se hisse à nouveau sur la pointe de ses pieds pour l’embrasser, tendrement. comme pour essayer de l’aider à respirer tandis qu’elle a l’impression qu’il est en train de se noyer, lui caressant la joue, comme si ça ne suffisait pas qu’elle le lui dise, il fallait qu’elle le lui démontre qu’elle est là. «  t’as mangé? t’as pas du manger, tu dois avoir faim, il faut que tu manges je vais te faire à manger. » sans le lâcher pour autant. elle connait un peu son appart depuis la dernière fois qu’elle est venu. elle sait ou est la cuisine, elle garde les bras du brun autour d’elle en regardant ce qu’il lui reste comme nourriture pour essayer de concocter quelque chose. «  t’as envie de sucré ou de salé? » elle se doute un peu qu’il lui dira qu’il ne veut pas manger. elle est pareil quand ça va pas. mais sa mère trouvait toujours le moyen de lui faire à manger quelque chose quand elle n’a pas le moral, quelque chose qui lui donnerait envie et la ferait enfin manger. elle veut faire ça pour lui, même si elle est pas vraiment sûre de comment faire. elle fait de son mieux, elle improvise.  

Loeiz relève son regard, le pose sur Leo en s’efforçant de ne pas s’effondrer lorsqu’elle lui assure qu’elle ne partira pas. C’est tout ce dont il a besoin, d’elle, de ses bras, de ses mots, peu importe lesquels. Il a besoin de son odeur, de sa Leo, simplement, pour un temps indéterminé, pour toujours même, pour le temps qu’elle voudra bien de lui, qu’elle pourra le supporter, parce qu’il a conscience qu’il n’est pas facile, encore moins maintenant. Il la suit dans cette cuisine qui dégage des odeurs qui lui déplaisent. Trop de nourriture, ça lui donnerait presque la nausée. Il n’a pas mangé et ce n’est pas pour rien. Ca ne lui donne pas envie, toutes ces choses qu’il pourrait grignoter non plus, alors quand elle l’interroge, il se contente de hausser les épaules. « J’ai pas faim Leo. » Mais il n’est pas certain qu’elle baisse les bras après ça. « Ce que tu voudras. » qu’il finit par dire. Ce qui lui tombe sur la main, mais il ne promet pas de manger plus d’une bouchée tant la boule au creux de son estomac est présente. Il n’arrive pas à s’en défaire. Loeiz s’approche de Leo, se cale derrière elle et entoure son petit corps de ses bras, enfouit sa tête au creux de son cou. « June. Elle n’est plus là. » Il baisse les yeux, les sentant se noyer dans les larmes et ne peut plus les retenir. Il lui est impossible de dire que sa meilleure amie est morte, les mots sont trop forts, insupportables, mais même les moins difficiles sont douloureux. Elle n’est plus là, ça veut tout dire pour lui. Il ne pourra plus jamais la revoir, plus jamais lui parler et y penser l’enfonce un peu plus au fond du gouffre. Il s’éloigne, sentant qu’il ne peut plus s’arrêter, souffle un coup, marche dans le salon jusqu’à la fenêtre qu’il ouvre. Il a besoin d’un bol d’air frais et c’est aussi une bonne manière de faire diversion et d’effacer les larmes qui roulent sur ses joues, qu’il ne pourra pas cacher bien longtemps. Même s’il arrivait à garder le contrôle sur elles, ses yeux rougis peuvent témoigner pour les gouttes salées qui se sont écrasées sur ses lèvres. « Je t’ai raconté comment je l’avais rencontrée ? » Il n’est pas bien sûr que ce soit une bonne idée de lui raconter des anecdotes qui, autrefois, lui donnaient le sourire. Aujourd’hui, elles ne sont plus que souffrance. Il ne sait pas comment remonter la pente, comment aller mieux. Il appuie ses coudes sur le rebord de la fenêtre, tend ses bras vers l’extérieur, vers cette brise fraîche qu’il sent sur sa peau et essaie de faire le vide dans son esprit. En sentant le vent sur son visage, très léger, à cause des murs qui le protègent, il a l’impression de la sentir, elle, June. Il aimerait qu’il y ait quelque chose après la mort et qu’elle lui envoie des signaux, parce qu’il en a besoin.