Violette | Souriez, vous êtes filmés.

Si j’étais malin, je tiendrais un carnet pour noter le nombre de soirées que j’ai passé dans les bars de Biarritz. Je suis un habitué, comme on peut dire familièrement. J’aime ça. Je m’y sens chez moi. Au final, les barmans sont presque ma famille. Enfin attention, il y a des cons aussi. Bon j’avoue, je ne connais aucun de leur prénom je crois. C’est parce que je change trop fréquemment de bar ça. Une petite girouette, oui on peut le dire. Tous les soirs, je vais faire un tour dans les bars. J’y reste plus ou moins longtemps, selon la qualité des gens qui y sont. Je n’aime pas m’ennuyer. Au fonds, j’ai un appartement pour dormir environ quatre heures par jour. Une tente pourrait me suffire. Quoique, pour prendre une douche, c’est moins pratique d’un coup. Bref.

Ce soir, je sors avec la ferme intention de m’amuser, d’être encore plus con que d’habitude. Comme d’habitude, je rentre dans le premier bar qui m’inspire, dans le centre ville de Biarritz. Pas compliqué comme garçon, notez le. Je m’installe au bar. Pour ne pas changer, parce que je suis un petit vieux qui a ses petites habitudes, je commande une vodka. Rien que de la vodka. La coupler avec du jus d’orange, c’est pour les faibles. Moi, je suis un guerrier au niveau de l’alcool. Je tiens bien, très bien, et je n’ai pas peur d’être bourré de toute façon. Une magnifique créature vient s’installer à côté de moi. Le joueur en moi se réveille. Le séducteur aussi. C’est elle, la cible de ma soirée. Je bois une bonne gorgée de ma vodka, sans sourciller, les yeux vers le bar. « Le brun à six heures, il va t’offrir un verre dans cinq, quatre, trois… » Je souris en voyant ce brun, s’approcher du comptoir et demander au serveur de glisser un verre devant la jeune femme. Quel talent Marko !

Je la regarde et lui sourit. Cependant, mon côté con se braque. Que quelqu’un m’offre un verre ? Non, non et encore non. Je me lève et m’approche d’elle. J’approche mes lèvres de son oreille pour chuchoter. « Je ne dois rien à personne, c’est ma première règle. » En même temps, je fais signe au vendeur de déposer, de nouveau, un verre devant cette belle créature. Je retourne à ma place, sagement. Je la regarde. Un regard charmeur, un beau sourire. Ma proie est là, face à moi. « Marko ! » Je lui tends mon verre en même temps, pour trinquer. Légèrement plus original que de se serrer la main.

Je l’observe. Bien habillée, bien maquillée, bien coiffée. Ses vêtements ne sortent pas de la friperie, c’est certains. Ses bijoux non plus d’ailleurs. Elle ne doit pas serrer les fins de moi. Tant mieux pour elle. Non, ce n’est pas de la jalousie. Je vis très bien, je suis loin d’être malheureux. Et puis, être militaire ça permet d’être à la retraite assez tôt, et ça c’est génial. Je vais être un retraité de quarante ans. Rien que l’idée, ça me rend complètement dingue. Bon, je ne serais pas encore dans la bonne tranche d’âge pour apprendre à jouer à la belote. Mais au moins, je pourrais sortir tous les soirs sans avoir à me soucier à me lever le lendemain. « C’est la première fois que je vous vois ici. Et pourtant, je suis un habitué. Puis, que je sois honnête, je ne pense pas que j’aurais oublié un corps comme le tiens. » Plus direct ? Impossible.

Violette. Elle s’appellerait Marguerite, ce serait pareil. C’est un nom de fleur, ça n’a rien de fascinant. Quelle idée aussi, de donner un nom de fleur à sa fille ? On ne donne pas de noms d’arbres en plus, c’est super discriminant. En même temps, j’aimerais bien voir la tête du gars qui s’appelle Peuplier. Bref. Là n’est pas la question. Alors on trinque. A qui ? A quoi ? Non, là on dirait Patrick Bruel. On trinque à cette rencontre. Cette soirée annonce une belle fin.

Je ris. Si, c’est le genre d’argument qui suffit à mettre une femme dans mon lit. C’est simple : il faut commencer par ce beau compliment, et se contenter de sourire après. Je la regarde, terminant ma vodka peu de temps après. « Ne fais pas genre. » Je cesse de la regarder. J’en profite pour demander une deuxième tournée au serveur. Je m’adosse au comptoir. J’observe. Il n’y a pas grand monde ce soir. Ces gens qui ne sortent pas en semaine, je ne les comprendrais jamais. C’est d’ailleurs bien plus chouette de sortir en dehors du week end. Je fais un tour sur mon siège, pour poser mes coudes sur le comptoir, buvant une grande gorgée de ma vodka, déposée il y a quelques secondes devant moi. « On sait tous les deux qu’on finira dans le même lit. A moins que tu choisisses ce mec. » Je pose mon regard en direction du mec, qui lui a offert un verre quelques minutes plus tôt. Ce mec qui ne la quitte pas du regard.

Je la regarde. « Qui te dit que je suis un mec original ? » Je ne suis pas du genre à me donner du mal pour draguer une fille. Enfin ça dépend si elle vaut le coup. Elle, je ne sais pas. Je n’ai pas envie de me fouler. Je décale un verre vers elle. Je paye ma tournée, comme on dit. Je la regarde. Le regard espiègle. Le sourire malicieux. Elle veut de l’originalité, elle pourrait en avoir. « Tu le reconnais toi-même, alors à quoi bon perdre mon temps ? » Je ne vais pas perdre une heure à chercher l’originalité pour draguer cette fille alors qu’on sait dès à présent qu’il y a quatre vingt dix neuf pourcent de chances qu’on couche ensemble cette nuit. Appelons un chat un chat. J’approche mon visage de son oreille. Je chuchote. « Cap de le draguer toute la soirée pour lui coller le râteau du siècle ? » Les défis, j’adore ça ! J’adore en recevoir, j’adore en lancer. Je suis pire qu’un gamin à ce niveau là. C’est ça de voir sans cesse la vie comme un jeu, un jeu gigantesque. S’amuser, le maître mot, mon maître mot. Je sens qu’avec cette fille, je peux m’amuser longtemps. Son égo est surement aussi élevé que le miens, voire plus. Elle n’a aucun intérêt à refuser le jeu, au contraire même.