Liam | Toc toc.

La journée a été trop courte, encore une fois. Je reviens de la salle de sport, sous la pluie. C’est pour ça que j’ai pris un abonnement à la salle. Je ne veux pas être obligé d’aller courir sous des trombes d’eau. Ce ciel gris me mine le moral. Et pourtant, il m’en faut souvent bien plus. Je prends un verre d’eau et je reste comme un con, accoudé sur le bar à regarder la pluie tomber. Autant j’adore cette ville. Autant quand il pleut, je rêve de partir à Tahiti. Je suis comme ça, j’aime quand le soleil brille et que les oiseaux chantent.

Après quelques minutes à errer telle une âme en peine de mon propre appartement, je me décide à foncer sous la douche. Je pourrais y rester des heures. Mais là facture d’eau me ferait trop mal. Alors j’y reste pile le temps nécessaire. Quelle dure vie ! J’attrape un jean et un t-shirt. Un bon sweat par-dessus et je me jette dans le canapé. Je m’ennuie déjà. Et j’ai horreur de m’ennuyer. Ce n’est qu’une perte de temps. J’allume donc mon ordi pour regarder si des soirées sympas (sous-entendu fortement alcoolisées) sont organisées ce soir. Le néant. En même temps, en milieu de semaine hors période d’été, ce n’est pas étonnant. Mais ça m’énerve. Je commence à bouillir en pensant à la soirée bien naze que je vais passer. Je ne peux pas. C’est plus fort que moi.

Je tourne en rond, comme un con. La télé a beau être allumée, je ne jette pas un coup d’œil. Je regarde par la fenêtre. Le ciel gronde. L’orage est proche. Si c’est pour rentrer à pied chez moi sous l’orage, je préfère ne pas sortir. Je me pose un instant dans le canapé. Je me lève à nouveau et prends une bonne bière dans le frigo. Je m’accoude au comptoir qui sépare le salon de la cuisine. Je bois au moins la moitié de ma bière d’une traite. Une bonne descente, je vous le dis. Je souris, d’un seul coup. Je prends une bouteille de vodka planquée dans le placard. Non, je ne suis pas un alcoolique. J’attrape mon portable, que je mets dans la poche arrière de mon jean. J’attrape mes clés, et sors en claquant la porte derrière moi. Je m’arrête devant la première porte. Légèrement fainéant le jeune. Je sonne, attendant une réponse pour montrer ma jolie bouteille en adressant un beau sourire.

Je le regarde, avec un grand sourire. Je me souviens de l’avoir déjà croisé plusieurs fois, avec de simples « bonjour » de politesse. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, je suis un mec très poli. Sauf quand je conduis. Je pourrais tuer tout le monde. Je tends la main que j’ai de libre. « Marko ! » Je regarde ensuite ma bouteille. « J’ai trouvé cette bouteille dans mon placard. Je pourrais la boire seul, mais ce serait drôlement triste. Donc je propose de partager. Une bouteille de vodka, ça ne se refuse pas ! » Ni une, ni deux, j’entre dans son appartement. C’est sombre. Les rideaux sont fermés. Dire que je me trouvais bordélique. J’ai trouvé un concurrent de taille. Je le regarde. « Tu es ici depuis longtemps ? » Ma sociabilité est de loin ma plus grande qualité, ma seule diront certains. J’aime parler aux gens. Mais je n’aime pas être attaché, lié au premier venu. Non, loin de là. Je discute, sans rien attendre. Si ça se trouve, à partir de demain (ou quelques minutes s’il me vire à coup de pied au cul), nous nous contenterons encore de salutations de politesse. C’est ça qui est marrant dans la vie. Rencontrer des gens et ne plus jamais les revoir. Enfin ça, c’est cool pour coucher sans craintes avec une femme différente presque chaque soir. Je dois passer pour un monstre. Reprends tes esprits mon gars, passe aux choses sérieuses, tu n’es pas venu ici pour faire du tricot. Je le regarde de nouveau, avec un grand sourire laissant apparaître mes dents blanches. Sourire colgate bonjour ! « T’as des verres ? » J’en profite pour ouvrir la bouteille, avec une légère impatience. Il va me prendre pour un alcoolique. En réalité, je suis juste un grand fêtard qui ne se prive de rien.

J’entends sa voix me guider vers les shoots. Ni une, ni deux, je fonce vers le placard. J’attrape deux shoots et les remplis, posant au passage la bouteille de vodka. Je retourne sur mes pas, un grand sourire sur le visage, pour en tendre un à mon cher voisin. « C’est parti ! » Je lève mon verre près de lui, attendant le doux bruit des deux shoots qui se cognent. Je lui souris, tel un jeune enfant sage. Oui, ça m’arrive. D’être sage je veux dire. Bon, c’est rare. Mais ça arrive, c’est là l’essentiel.

Je l’écoute d’une oreille, tout en faisant le tour de son salon. Ce qui me rassure, c’est que c’est autant ordonné que chez moi. Je ne vis pas non plus dans la crasse, mais je ne suis pas maniaque. Je suis au juste milieu, en fait. Deux ans. Il habite ici depuis deux ans. Je tourne la tête pour le regarder. « Deux ans et je t’ai croisé si peu de fois. C’est bien la preuve que mon appartement est secondaire. » Je me mets à rire, fier de ce que je viens de dire.

Eh oui, Marko. C’est original, non ? « C’est ça ! Et toi, c’est ? » Je n’ai ni pris le temps de regarder sa boîte aux lettres (à vrai dire, j’ai autre chose à faire de mes journées), ni eu l’excellente idée de lui demander. Je viens d’arriver, donc je ne passe pas non plus pour un malpoli, pour un ivrogne. Quoique, j’aurais du penser moins vite. On se pose dans le canapé, confortable soit dit en passant. « Il fait trop moche pour faire la tournée des bars. Et je ne suis pas assez dépressif pour boire seul. Donc j’ai sonné à la première porte. » Dit comme ça, c’est logique et évident. Je lui souris. Je tourne le regard, avant de me rattraper. « Je ne suis pas un ivrogne, hein ! J’aime juste la fête, beaucoup, j’aime la vie aussi. »