you need to take care of yourself (Aramis)

tu te réveilles tôt. c'est pas dans tes habitudes, surtout que maintenant que t'es arrêté, au boulot, pour ton hospitalisation, tu peux dormir. mais les bruits, les paroles, les pas, les machines, les urgences, les cris... tout ce qui fait l'hôpital, ça te réveille. alors t'essayes de te rendormir, mais c'est pas simple. parce que comme chaque fois où t'es réveillé, et que t'as rien à foutre, tu repenses à tout. à pourquoi t'es ici, à tes amis. à jude, à lys. à mattie, à orane. mais t'as pas le temps de beaucoup penser ce matin, parce que y'a une nana en uniforme d'infirmière qui se ramène dans ta chambre. tu la suit du regard, ses traits de profil te disent quelque chose, alors tu l'observes, t'attends qu'elle relève la tête, t'attends de voir ses yeux. sauf que quand elle lit ton dossier, juste devant ton lit, tu la reconnais. enfin, t'as l'impression. et ça te fait flipper. nan, cette nana, c'est pas possible. c'est pas elle. tu clignes des yeux, tu respires plus fort, ton pou s'accélère, tu serres les draps blanc du lit d'hôpital. ces traits, tu les connait. ces traits, ils te hantent presque, depuis un an. depuis un an, à chaque fois que tu vois une tignasse blonde-chataine, t'as peur que ce soit elle. d'ailleurs, à la coloc', y'en a une, aussi, qui lui ressemble. et là, tu te dis qu'elle a pas le droit. qu'elle a pas le droit d'être infirmière, si elle a le sida. qu'elle mérite pas de s'occuper de patients, malades, si elle même, elle est malade. qu'elle mérite pas, parce que c'est une salope, une salope, qu'à détruit ta vie. mais tu lui en veut, parce que tu reportes toute la haine que t'as contre toi sur elle. et t'assumes pas. t'assumes pas non plus, quand tu te rends compte, quand elle lève la tête, que c'est pas elle. elle a pas les mêmes yeux. mais elle aussi, tu la connais. c'est d'ailleurs ta colocataire. à l'auberge. nora. nora qui ressemble à s'y méprendre à cette fille dont t'as jamais su le nom, mais qui t'as refilé la raison pour laquelle t'es là, dans ce lit, aujourd'hui. nora, que t'évites, que tu repousses. nora qu'essaye d'être sympa avec toi, parce que vous habitez dans la même baraque, c'est normal. mais toi non, toi tu veux pas, parce qu'elle te fait trop penser à l'autre, parce que t'aimes pas les femmes, et encore moins celles qui ressemblent à ton démon. elle paraît surprise, de te voir ici. ses yeux gris-verts passent de toi à la feuille. comme si elle n'y croyait pas ses yeux, elle aussi. toi tu la regarde, tes yeux bleus lui lancent des éclairs. t'as qu'une envie, qu'elle se barre, qu'elle te laisse, qu'elle s'occupe de quelqu'un d'autre. et qu'une autre, ou qu'un mec, vienne te voir. « Me dis pas que tu le savais, depuis tout ce temps ? » de quoi elle te parle ? ta maladie ? bien sûr, que tu savais. fin, j'sais pas, t'es pas con, non plus. enfin, si, mais là, faut pas pousser. t'as fais les tests, quand même. « Putain Aramis j’étais là, tu sais que j’suis infirmière tu .. Tu aurais pu m’en parler. » t'éclates d'un rire, un vrai rire, un rire moqueur, un rire jaune. elle se fout de ta gueule, là ? enfin, c'est ce que tu te demandes. moi j'serais plutôt avec elle qu'avec toi. parce que toi, t'es qu'un imbécile. mais j'ai pas mon mot à dire, je sais. ton visage reprend de son sérieux, ou plutôt, de son air blasé habituel devant nora. blasé, mais légèrement dur. « tu crois sérieusement que j't'aurais dit un truc comme ça ? j'te connais pas, j'te signal. puis j'le cris pas sur tous les toits. » t'es bref, t'es net, t'es sec. tu veux qu'elle parte, tu veux qu'elle te laisse. « pourquoi t'es là ? me dis pas que tu viens me checker. j'vais très bien, comme tous les matins, d'ailleurs. je vois pas pourquoi vous vous obstinez à me garder. » tu regardes autours de toi, ton regard se pose sur la fenêtre. il fait beau. t'aimes pas spécialement le beau temps, en fait, tu t'en fou, mais là, rester enfermé, ça te fait chier. « du coup, je t'ai dit que je vais bien, tu peux partir maintenant, tu dois avoir d'autres patients. »