(Lisa) Tu m'évites ?

« Allez, joue pas au con, ramène-toi. » Je garde le silence, regarde ma montre qui affiche vingt heures. Je ne vais pas tarder à coucher Clare qui regarde la télévision avec Kaecilia. Sloan a terminé ses devoirs depuis une bonne heure maintenant et est en train de prendre une douche. Quant à Maman… Elle n’est tout simplement pas là. Ca fait une semaine qu’elle ne nous donne pas signe de vie, qu’elle nous laisse dans la baraque. Elle serait morte que je ne suis pas certain de finir au courant. Heureusement que mes jobs me rapportent de l’argent pouvant payer les choses comme les courses, que personne ne manque de rien. Il m’arrive parfois de ne pas manger pour qu’ils mangent eux, mais ça me convient. Ils sont ma priorité. Et c’est pour eux que je refuse. « Nan, je peux pas, mes frères et sœurs, je ne peux pas les laisser comme ça. » « Putain Luka, tu fais chier. C’est toujours la même excuse avec toi. » Et il raccroche, sans me laisser parler. J’accuse le coup, range mon téléphone portable dans la poche de mon jeans. C’est juste la septième soirée à laquelle je ne fais pas acte de présence et ça l’agace, un peu plus parce que cette fois-ci, c’est lui et mon ancienne fraternité qui l’organisent. Je n’y ai pas fait long feu. J’y suis resté un an, sans jamais dormir dedans et j’ai fini par partir parce que c’était trop de responsabilités et que je ne pouvais pas les assumer, mais j’y ai créé de bons liens. Des liens parfois un peu fragiles, notamment parce que je suis incapable d’entretenir correctement mes relations. Je m’appuie sur l’encadrement de la porte du salon, observe les trois terreurs sur le canapé. Sloan a pris place au milieu des filles, avec une tête bien trempée. Je me redresse, attrape une serviette qui ne demandait plus qu’à être pliée et rangée, dans la bassine à linges et la pose sur les cheveux de Sloan pour les sécher, qu’ils ne gouttent plus au moins et j’en profite pour le chatouiller sur les côtés, ce qui le fait gigoter, le fait rire et c’est communicatif. Les filles lui tombent dessus aussi, jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus. « Allez hop, go au dodo. » dis-je, en prenant Clare sur mon épaule. Je l’ai bien excitée la pauvre, mais après avoir gigoté dans mes bras quelques secondes, lié à sa position de sac à patates, elle reste tranquille, cale sa tête sur mon épaule lorsque je la repositionne bien dans mes bras et l’allonge dans ce lit simple. Elle serre très fort sa peluche dans ses bras et écoute l’histoire que je lui raconte, qu’elle connait sur le bout des ongles. Le fait est que nous n’avons pas beaucoup, mais je m’arrange pour en acheter un nouveau tous les mois. « Aheum. » Je tourne la tête vers la porte, y voit Sloan et Kaecilia qui attendent, m’adressent un sourire et je n’ai pas besoin qu’ils prennent la parole que je sais déjà de quoi il en retourne. Ils prennent place dans le deuxième lit, celui de Kaecilia et restent silencieux le temps de l’histoire. Clare finit par s’endormir, Sloan aussi. Je recouvre la plus jeune d’une couverture, dépose un baiser sur son front, soulève Sloan dans mes bras et l’amène dans sa chambre, plus petite que l’autre, mais là où il dort seul. Ma place est sur le canapé, mais bien souvent, ils viennent me rejoindre. Sloan trouve sa place dans son lit, ne se réveille pas, se tourne sur le côté lorsque je le recouvre de sa couverture, dépose un baiser sur son front aussi et je sors de la pièce que je referme derrière moi. « Tu devrais y aller. » Kaecilia a les yeux brillants, c’est comme ça à chaque fois qu’elle me parle de moi, de ce que je devrais faire. Elle aimerait que je pense un peu à moi, principalement parce qu’elle craint que je me lasse, que je réalise un jour que cette vie ne me convient pas, que je les abandonne comme Maman le fait, alors il lui arrive de me pousser à faire des choses pour que je respire un peu, pour que je revienne plus en forme que jamais, mais elle n’a aucun souci à se faire. Ils passeront toujours en premier, ils passeront avant moi. « Et toi tu devrais aller dormir. » dis-je, en posant mon index sous son menton que je relève. Elle plonge dans mes bras, je l’encercle sans hésitation, sentant qu’elle en a besoin. Ce n’est pas facile pour tout le monde. Kaecilia a peur de l’avenir, de ce qui pourrait nous arriver. Elle a peur de revoir Maman, de revoir son mec qui a essayé d’abuser d’elle il  y a une semaine. Ca a été le déclencheur, ce qui a fait fuir Maman. Mon comportement, ma façon agressive de gérer la situation, de lui demander de dégager son mec, de défendre sa fille, mais elle n’en a rien fait. J’avais beaucoup d’estime pour elle à une époque de ma vie, maintenant, je n’en ai plus aucune. Quelqu’un frappe à la porte et tout de suite, mon cœur bat. J’ai toujours peur que ce soit quelqu’un d’officiel, qu’on nous sépare de nouveau, mais cette personne ouvre la porte et là, je me dis que c’est peut-être le retour de Maman… Jusqu’à ce que je vois Tristan. C’est le seul à être parti. Il a profité de sa majorité pour partir et emménager avec sa copine. « Hé. » Tristan pose son sac par terre, serre ma main et je l’encercle dans mes bras. « La gamine m’a appelé. » Kaecilia baisse les yeux et il continue, m’explique qu’il a ses révisions, qu’être ici sera plus calme que chez lui, avec sa copine, il s’est pris la tête et qu’apparemment, j’ai besoin d’un baby-sitter pour la soirée. Je refuse d’abord, puis j’hésite quand il insiste… Et je cède. C’est juste une heure, ou deux, pas plus. Après mes dernières recommandations, après avoir répété à Kaecilia de se coucher après le premier film, je sors, le cœur lourd. Je n’aime pas ça, les laisser seuls. Heureusement, ce n’est pas très loin. A quinze minutes en moto. Il est vingt-et-une heures lorsque j’arrive sur place et il y a déjà pas mal de monde. J’attrape un gobelet avec du punch à l’intérieur, me fraye un chemin entre les étudiants, en saluent quelques uns, parlent avec certains, jusqu’à ce que je la vois, elle. Lisa. Je me rappelle la dernière fois que je l’ai vue… C’est récent et en même temps, pas. Quelques jours, cinq, six ? Lorsque je vois Mads, je ne la vois jamais. Je n’aurais pas été parano si la dernière fois, nous n’avions pas failli nous rapprocher l’un de l’autre, si la dernière fois, mon corps ne s’était pas retrouvé collé contre le sien, si je n’avais pas eu envie de coller mes lèvres contre les siennes. C’était… étrange. Pas à faire. Et je ne devrais pas m’en approcher, mais je le fais, pose ma main contre le mur sur lequel elle est appuyée. « Est-ce qu’on peut se parler ? » La dernière fois, il y avait une certaine tension entre nous, mais… Peut-être était-ce dû à la colère, celle que l’on partageait, pour deux personnes différentes. Peut-être qu’on peut se parler, normalement ? Mettre les choses à plat ? « Parce que tu m’évites depuis quelques temps… » Je ne suis pas bête, j’ai compris.

Une jupe, des talons, un top tout ce qu'il y a de plus convenable. ce soir, tu soirs, ce soir, tu sors voir tes amis. il y a une fête dans le coin, la fraternité blablabla, ce n'est certainement pas quelque chose que tu retiens. non, toi tu retiens seulement qu'il y a une fête et que tu dois y aller. tu n'as pas à aller voir ta soeur, même si tu sais que si elle appelle tu te mettras en route pour la secourir et l'aider. t'es comme ça avec Dréa, c'est elle la grande soeur, c'est vrai, mais tu serais prête à tout pour elle, surtout depuis la perte de son enfant. six mois de grossesse, et pouf, plus rien. c'est ravageur, ce genre de sentiments, ça t'a ravagé. tu le sais, tu le sens, que t'es plus pareil, mais tu fais semblant, tu essaies de faire semblant, de passer outre, comme ce soir. ce soir, tu arrives, tu claques tes talons sur le sol. est-ce que Mads sera là ? non, tu ne penses pas, t'en sais rien, tu ne l'as pas contacté depuis ... tu t'en veux, pour tout. tu t'en veux pour environ tout alors tu ne dis rien. tu l'évites, sagement, et tu l'évites aussi lui, Luka, son meilleur ami. tu ne peux pas le voir, parce que si tu le vois, tu sais à quoi tu vas penser, tu sais tout ça. tu ne peux pas faire ça, alors ce soir, tu vas profiter. une bouteille de vin entre les mains, tu files vers la cuisine où la soirée est déjà bien entamée d'ailleurs. tu ouvres ta bouteille, sans gêne et tu te sers un verre dans un de ces gobelet en plastique qui ne finira certainement pas la soirée. un de ces gobelets qui en tiendra peut-être même pas deux heures. tu verras bien. tu goûtes le vin, c'est bon, c'est frai, c'est une bonne cuvée et tu ne peux pas t'empêcher de t'en rendre compte. de faire attention. c'est plus fort que toi lorsqu'il s'agit de vin. défaut héréditaire certainement non ? c'est seulement après quelques verres que tu le vois débarquer, tu files dans une autre pièce, tu trouves deux potes, tu t'encadres là, te calant contre le mur, le sourire aux lèvres mais tu ne peux pas t'empêcher de surveiller les alentours, au cas où il arriverait. tu devrais peut-être partir ? rentrer chez toi non . « Est-ce qu’on peut se parler ? » que tu entends finalement. tu vois d'abord la main, posée contre le mur, tu remontes ton regard, lentement et tu le vois là. trop proche, et trop loin en même temps. « Parce que tu m’évites depuis quelques temps… » tu ouvres la bouche, tu secoues la tête. « non, je .. je t'évite pas je .. » si complètement, bien sûr que si tu l'évites. il est pas con Luka. il a bien vu ton jeu. tu l'évites, parce que tu as peur de tes réactions quand il est là. il est l'interdit, de bien des façons d'ailleurs. « mais on peut parler si tu veux. on devrait bien trouver un coin un peu moins bruyant dans cette baraque. » que tu l'informes. ce n'est pas une si bonne idée d'ailleurs, de trouver un coin vide, non il faut des gens autour, mais pas trop non plus. tu ne sais pas de quoi il veut parler. finalement, vous trouver un coin à l'extérieur, alors tu en profites pour prendre une clope. ça t'occupera les mains. les lèvres. « tu veux parler de quoi ? » de la dernière fois ? quand il a failli t'embrasser ?

Lisa, c’est la copine de Mads, c’est le fruit défendu, celle qu’il ne faut pas toucher, alors j’essaie de rester un minimum distant, sans pour autant l’être de trop, que ce soit normal, que personne ne remarque qu’entre nous, c’est tendu. Je ne bronche pas lorsqu’elle me contredit, mais la fixe dans les yeux, lui fais comprendre que je ne la crois pas une seconde. Elle m’évite, je le sais et je peux comprendre, mais ça ne m’enchante pas. Tout était plus simple auparavant, lorsqu’il n’y avait pas anguille sous roche, lorsqu’elle n’était que la copine de mon meilleur ami, pas cette fille que j’ai failli embrasser. Je ne l’ai pas fait, mais rien que d’y penser, ça me met mal à l’aise, parce que Mads ne mérite pas tout ça, parce qu’il me fait confiance… Parce qu’il est terriblement attaché à Lisa et qu’il m’en tiendrait rigueur si je venais à faire n’importe quoi avec celle à qui il tient. Je la suis jusqu’à l’extérieur, observe les alentours. Il y a quelques personnes dehors, avec des gobelets, pas trop, mais assez pour nous tenir loin l’un de l’autre. « De ça, putain, de ce qui s’est passé. » Elle me prend pour un con ? On ne s’est pas parlé depuis que je me suis barré, ce soir-là. On a à peine échangé quelques regards, sans plus… Et le problème, il est là. Notre rapprochement soudain. Je passe ma main sur ma nuque, un peu nerveux. « Ce n’est pas bien ce que j’ai failli faire. Pour Mads, ce n’est pas bien. » Il n’y a eu aucun contact physique entre nous, mais avoir failli suffit amplement. « On le sait tous les deux, mais si tu continues à m’éviter comme tu le fais, il va se douter de quelque chose et… et il ne faut pas. Il n’a pas besoin de savoir ça, parce qu’il n’y a rien eu, finalement. » C’est ça. On n’a pas à se prendre la tête, on n’a pas à culpabiliser, on n’a pas à s’éviter. « Parce qu’il n’a aucun souci à se faire, qu’il n’a pas à se rendre malade pour une connerie qui ne s’est pas faite. » Je suis son meilleur ami, il est comme mon frère. Je suis là pour lui, pas là pour lui mettre des bâtons dans les roues. « J’lui veux que du bien… » Je n’avais pas de mauvaises intentions. C’est pour ça que je suis parti, parce que je sentais que ça partait en vrille et qu’on allait finir par le regretter. « Et puis je t’aime bien. Je trouve ça… dommage de prendre de la distance pour… Pour ça. Tu l’évites lui aussi ? » que je demande, sur un ton calme. Il m’a envoyé un message il y a peu, il m’a demandé si j’étais mort moi aussi, ça veut bien dire qu’il se passe un truc. Avec Lisa ? Je sais bien que tout n’est pas rose entre eux, que c’est souvent compliqué, qu’ils se disputent souvent… Mais je me sens mal d’être la raison pour laquelle ils ne se parlent pas, en ce moment.

« De ça, putain, de ce qui s’est passé. » qu'il divulgue finalement. tu regardes autour de toi, personne n'a entendu, c'est bon ? tu doutes, il a parlé trop fort, tu fais signe de la main de baisser d'un tout. il est con ou quoi, il veut que tout le monde soit au courant que vous ... que vous quoi finalement ? « Ce n’est pas bien ce que j’ai failli faire. Pour Mads, ce n’est pas bien. On le sait tous les deux, mais si tu continues à m’éviter comme tu le fais, il va se douter de quelque chose et… et il ne faut pas. Il n’a pas besoin de savoir ça, parce qu’il n’y a rien eu, finalement. » non, il n'y a rien eu, non il ne faut pas qu'il sache, non il ne faut pas tout ça. certes, il n'y a rien eu, mais le problème c'est que l'envie était là. du moins, tu n'as pas cherché à l'éviter. tu aurais pu, lui envoyer une gifle par exemple, mais non, tu n'avais rien fait, et c'est ça qui te met réellement mal à l'aise. « Parce qu’il n’a aucun souci à se faire, qu’il n’a pas à se rendre malade pour une connerie qui ne s’est pas faite. » certes, oui, c'est ça. il n'y a rien à faire. « J’lui veux que du bien… Et puis je t’aime bien. Je trouve ça… dommage de prendre de la distance pour… Pour ça. Tu l’évites lui aussi ? » toi aussi, tu l'aimes bien Luka, mais maintenant c'est bizarre, c'est tendu entre vous. tout remettre à plat ne sert à rien, tu le sais, tu le sens, que ça va rester compliqué, malgré tout. tu le sens, alors tu vas faire semblant, tu vas essayer de faire semblant, jusqu'à ce que ça éclate, parce que ça éclate toujours. « je vous évite tous les deux, parce que c'est ... c'est compliqué, il m'a poussé à bout, le jour de mon anniversaire et .. et j'étais en colère puis .. » tu finis par soupirer, la vie est toujours trop compliquée, tu le sais. « du coup, tout est arrangé maintenant ? on va faire comme s'il n'y avait rien eu. c'était une erreur, de ta part, de la mienne, puis il n'y a rien eu. » ou presque, parce que dans ton esprit, il y a eu tellement plus, tellement plus de chose. « d'ailleurs, c'est rare de te voir en soirée comme ça; ça va ? » changer de sujet, c'est ça, changer de sujet, éviter ce sujet tabou qu'il a tenté de lancer, tu ne veux pas en parler. tu ne veux pas parler, tout simplement. Mads mérite pas ça. vraiment pas. pourtant, tu restes là, contre le mur, la clope entre tes doigts, oui, tu restes là, avec lui dehors, en retrait. vous devriez peut-être rentrer, rejoindre les autres non ?

Et puis il y a eu ça… Je baisse les yeux sur le béton, grimace. Je n’ai pas aidé à ce qu’elle reprenne contact avec lui, mais elle va finir par le faire, parce que… Parce qu’ils sont ensemble, parce qu’ils se réconcilient toujours, tous les deux. Je n’avais pas à me mettre entre eux, je n’ai rien à faire là. Je hausse les épaules ; à elle de me dire. Pour moi, peu importe que l’envie ait été là, peu importe que je la trouve jolie, Lisa, dans sa jupe, avec ses talons, avec ses cheveux longs… C’est la copine de Mads. Les choses devraient être claires, elles le sont. Il ne faut pas que ce genre de choses se reproduise, il faut… Il faut que je sois entreprenant avec n’importe qui, sauf elle. « C’est ça. C’était une erreur… Et tu devrais parler avec Mads. C’est vraiment un mec bien, ça doit le rendre fou que tu l’évites comme ça. » Par automatisme, je regarde l’heure à ma montre. Je ne suis pas là depuis plus de trente minutes et puis Tristan ne m’a pas envoyé de messages. Tout se passe bien là-bas, j’essaie de m’en convaincre. « Oh, ça va. Tu sais, la routine quoi. C’est un pote qui organise la soirée avec la fraternité, fallait bien que je fasse l’effort de venir… » Pour lui faire plaisir, qu’il ne me fasse pas la gueule, qu’il comprenne que ce n’est pas parce que je ne suis pas toujours là, que je ne le suis jamais, même si je n’aime pas sortir le soir, laisser la famille sans moi. Je bois une gorgée du punch, de la sangria. « Et toi ? A part ça, ça va ? » Faire comme si de rien n’était, aborder des sujets simples, ne pas revenir sur celui qui est délicat, qui nous met mal à l’aise, c’est peut-être mieux comme ça. « Comment va ta sœur ? » Dréa, je ne lui ai pas adressé la parole depuis que je me suis fait virer de son cabinet médical. Ma faute. Pas toujours disponible, pas toujours ponctuel, mes priorités sont ailleurs. On me pense pas sérieux, mais en fait, je le suis, je suis responsable, c’est juste que je mets ma vie entre parenthèse et que mes études, mes projets passent en dernier. « Tu lui passeras le bonjour. » Je n’ose même plus lui envoyer de messages. Elle m’en a envoyé, elle, mais je ne lui ai même pas répondu tant j’avais honte de lui avoir fait un coup pareil. C’est son image, à elle, sa réputation que j’ai mis en danger avec mes conneries. J’espère que le médecin arrivera à lui refaire confiance si elle lui recommande quelqu’un. Quelqu’un de mieux que moi, qui sera bien plus à la hauteur.

« C’est ça. C’était une erreur… Et tu devrais parler avec Mads. C’est vraiment un mec bien, ça doit le rendre fou que tu l’évites comme ça. » Une erreur qui reste bloquée, là dans ton esprit. une erreur bien trop tenace, une erreur qui coûte cher parce que tu ne peux pas faire autrement que d'y penser. oui, tu y penses. parfois, tu fermes les yeux, et tu revis ce moment. et s'il n'était pas parti ? « j'sais que c'est un mec bien mais .. enfin, il est plutôt facile à éviter puisqu'il est aussi fier que moi. il n'a pas cherché à me recontacter. » que tu avoues, finalement. parce qu'il est fier, il a son égo, sa fierté, tout comme toi. tu pourrais attendre qu'il revienne, comme il peut attendre que tu reviennes. c'est une situation compliqué, une situation comme une autre n'est-ce pas. « Oh, ça va. Tu sais, la routine quoi. C’est un pote qui organise la soirée avec la fraternité, fallait bien que je fasse l’effort de venir… » ah c'était bien ça, une fraternité, d'où le nombre impressionnant de mecs dans le coin. pourtant, tu ne les as pas vu les autres, non, c'est lui que t'as vu entrer dans la maison. pas un autre. « Et toi ? A part ça, ça va ? » non. ça ne va pas non. mais il n'a pas besoin de le savoir, personne n'a besoin de le savoir. « oh oui, pareil, la routine. la famille, les études, tout ça quoi. » tes pertes de conscience, ton envie de rester chez toi, ta perte d'appétit. tout ça quoi. la routine qui s'installe. « Comment va ta sœur ? Tu lui passeras le bonjour. » tu ouvres la bouche. ta soeur. ta soeur, elle ne va pas bien, mais elle se cache, comme toi. elle doit aller encore moins bien que toi. elle doit souffrir, mais comme toi, vous faites semblants, comme si tout allait bien. comme avec luka, comme si tout allait bien, parce qu'il faut que tout aille bien. toujours. « elle fait aller elle ... elle travaille, elle s'installe doucement mais sûrement dans son nouvel appartement. ça va oui. » mensonge encore et toujours. tu lui mens, ouverture. est-ce qu'il voit cet éclat de désespoir qui passe dans tes yeux ? peut-être. non, il ne doit pas demander. tu ne veux pas en parler. « on va rejoindre les autres ? » te sortir de là, avant les questions, avant tout. une erreur, oui c'était une erreur. entre vous, ce semblant de rapprochement. semblant .. semblant, dans ta tête, c'était bien trop réel encore.

« Il a son caractère… Mais… » Mads, il n’est pas facile à comprendre parfois, du point de vue des filles. Mais c’est quelqu’un que j’admire, mon âme-sœur amical. Ca a été un vrai coup de cœur, la première fois que je lui ai parlé. Le feeling est tout de suite bien passé. Et puis on ne s’est plus jamais quittés. Il me comprend, ne me met pas la pression, lorsque je ne peux pas sortir, lorsque je suis trop occupé, mais il est là, par téléphone quand j’ai un coup de blues, il est là pour me parler, pour m’écouter et je suis là pour faire de même. C’est pour ça que j’essaie d’arranger les choses, de faire l’intermédiaire, d’étouffer cette attirance que je ressens pour Lisa, attirance qui ne devrait pas exister. « Je sais qu’il tient à toi. » Il ne le dira pas, il ne sait même pas s’il est amoureux de Lisa. Je ne sais même pas s’il l’est, mais il tient à elle. C’est la première fois qu’il s’attache autant, qu’une relation dure aussi longtemps. Et dire qu’au début, on avait parié ensemble. J’étais convaincu que ça ne durerait pas plus de deux semaines et au final, ça fait un an… Un an et je suis en train de tout foutre en l’air. Enfin, tout ça, qu’ils ne se recontactent pas, j’arrive à comprendre. Il arrivait souvent qu’avec mon ex, on ne se parle pas pendant quelques jours, après une dispute, avant que l’un de nous fasse le premier pas, pas toujours le même. La fierté, on n’en a pas autant que Mads et Lisa. Lisa qui me parle de sa sœur, qui me parle bien, mais son regard crie le contraire. « T'es sûre que ça va ? » J’ai un moment de doute. Elle ment bien Lisa, mais il y a cette lueur dans ses yeux… « Ouais, on peut faire ça. » Je m’apprête à faire un pas, à me diriger vers l’intérieur, mais je pose ma main sur son bras. « Je suis désolé tu sais, j’ai déconné. » Désolé de mettre le bordel dans sa relation, de provoquer une distance entre nous, une tension, alors qu’avant, les choses allaient bien. Même si, finalement, j’ai toujours senti qu’il y avait cette attirance pour elle, attirance que je m’efforçais de refouler, parce que j’avais d’autres choses à penser, que je n’étais pas disponible, qu’elle non plus. Elle ne le sera jamais. Mads ou pas, elle fait partie de sa vie. Alors… Oui, j’ai totalement déconné. « Je veux m’en assurer. Tu… Tu men veux ? » Je n’aime pas ça, sentir qu’il y a un truc qui cloche.

« Il a son caractère… Mais… » mais il est unique tu en as bien conscience, il est unique Mads. il a un caractère de merde, souvent, trop souvent d'ailleurs, mais tu ne peux pas dire grand chose puisque c'est la même chose pour toi. tu es une emmerdeuse, tu le sais. « Je sais qu’il tient à toi. » peut-être bien, t'en sais rien toi, tu sais juste qu'il est avec toi, et que des fois, il n'est pas là. il est compliqué, il ne t'a jamais dit qu'il t'aimait, tu ne lui as jamais dis non plus. tu tiens à Mads, c'est vrai, de plus en plus et en même temps, de moins en moins, c'est une situation bien étrange, bizarre. c'est quelque chose que tu as du mal à comprendre d'ailleurs. « peut-être » c'est tout ce que tu trouves à répondre, peu convaincue, et en même temps rassurée. Luka est certainement la personne la mieux placée pour te le confirmer n'est-ce pas ? finalement, tu lui mens. pour toi, pour ta soeur, pour vous. tu mens, ouvertement, et il semble s'en apercevoir. « T'es sûre que ça va ? » qu'il te demande finalement, et toi, toi, tu hausses les épaules, parce que tu ne veux pas lui dire oui, ce qui serait faux, et tu ne veux pas lui dire non, parce qu'il pourrait ... s'inquiéter ? peut-être, quelque chose dans ce genre, alors tu hausses les épaules, c'est un oui et c'est un non en même temps. « Ouais, on peut faire ça. » oui, c'est ça, vous séparer, retrouver les autres, ça peut être une bonne chose non ? tu décolles ton dos du mur, et tu vas pour faire un pas, mais la main de Luka s'arrête sur ton bras. tu te stoppes, tu lèves ton regard, tu plantes tes iris dans les siennes, attentives. « Je suis désolé tu sais, j’ai déconné. » oui, il a déconné, tellement déconné d'avoir fait ça. tu as déconné aussi, parce que maintenant quand tu le regardes, là, dans les yeux, tu repenses à cette dernière fois. oui, tu repenses à cette fois où tu étais bloquée contre ce mur, cette fois où ton coeur s'est emballé et est reparti frustré. « Je veux m’en assurer. Tu… Tu m'en veux ? » oui, tu lui en veux, d'avoir craqué, tu lui en veux aussi de ne pas avoir continué. tu lui en veux d'être resté là, devant toi, avant de prendre la fuite. tu lui en veux pour ce doute qui plane maintenant, pour cette tension intenable. tu lui en veux pour toutes ces choses. pourtant, tu viens poser ta main sur la sienne, toujours sur ton bras, et tu tentes un léger sourire. « oui et non Luka, je ne vais pas te mentir, c'est encore ... compliqué dans ma tête. j'arrête pas d'y penser et c'est ... je culpabilise à mort. » que tu lui avoues finalement. oui, tu culpabilises d'avoir été si tentée par ses lèvres, par ses mains alors que c'est le meilleur ami de Mads. c'est l'interdit. total. « enfin ... voilà, je .. je ne sais pas. » que tu dis, finalement, totalement perdue. c'est ça, t'es pommée. tu craques, doucement, tu plisses tes yeux, et finalement tu bois d'une traite ton verre en retirant ta main de la sienne. « aller, on rejoint les autres, viens. »

Lisa ne va pas bien, mais je n’insiste pas, me contente de hausser les épaules à mon tour, de garder le silence pour ne pas la mettre plus mal à l’aise. Je suis qui pour qu’elle se confie ? J’essaie de reprendre la place que j’avais avant de me rapprocher d’elle, cette place du meilleur ami de Mads, je ne peux pas… insister, lui dire que je m’inquiète tout de même, que j’espère que ça s’arrangera, ce serait tenter le diable, ce serait jouer avec le feu aussi. Mes yeux se baissent un instant sur cette main, quelques courtes secondes, avant de se planter de nouveau dans les siens. « Et c’est quoi… ? » Je ferme les yeux, les rouvre aussi vite. Ce n’était pas cette question qu’il fallait que je pose, même si… Je me demande ce que ça peut représenter à ses yeux, à part une simple erreur de passage. Je ne devrais pas m’y intéresser, je devrais plutôt éclaircir les choses, me comporter comme un bon meilleur ami. « Tu… » Je me mords la lèvre inférieure, hésitant. « Tu ne devrais pas y penser. Y’a juste eu un… un moment d’égarement et… » Et quoi ? Je peux comprendre, je culpabilise aussi. Pour plein de raisons. Avant, mes pensées m’appartenaient, je ne faisais rien de mal. Maintenant, les choses sont nettement plus réelles. Je ne peux pas dire qu’elles sont partagées, parce que j’ignore ce qu’elle pense réellement de moi. Et je ne veux pas le savoir, ça rendrait les choses encore plus complexes. Je presse doucement ma main sur son bras, afin qu’elle reste là, pas alors que la conversation est lancée. Si nous entrons à l’intérieur, plus rien ne sera possible, on ne reviendra plus jamais là-dessus. « Tu veux qu’on en parle ? » Je sens mes doigts se resserrer sur le gobelet presque vide. Ca me fait peur, d’en parler, ça me resserre le cœur. « Tu sais… Je pense qu’on était pas bien ce jour-là. Je venais de me prendre la tête avec ta meilleure amie… Tu venais de te prendre le chou avec le mien. Et depuis tu ne lui parles plus, alors… C’est peut-être normal d’y penser, j’en sais trop rien… » J’essaie de trouver une excuse à tout ça, de rendre les choses plus simples aussi. « C’était… physique. » Un besoin viscéral d’être l’un contre l’autre, nos émotions du moment aidant. « C’est… C’est rien. J’veux dire, on n’a rien fait. » J’essaie de m’en convaincre. Pourtant, je suis convaincu que si Mads apprenait ce qui s’était passé, s’il savait que mes lèvres avaient été à quelques centimètres des siennes, il serait fou furieux, il m’en voudrait, je le perdrais. J’y tiens tellement. Ca fait six ans qu’on ne se quitte plus. « J’ai fait ce qu’il fallait. Tu crois pas ? » M’arrêter avant de coller mes lèvres contre les siennes, ça aurait été la plus grosse erreur, on aurait eu des regrets, tous les deux. La culpabilité aurait été plus grande encore. Les choses auraient été encore plus complexes que maintenant.

« Et c’est quoi… ? »tu ne peux pas répondre, tu ne veux pas répondre. il a répondu à ta place, il y a quelques minutes. une énorme erreur, quelque chose à ne jamais refaire, à oublier, oui, il faut passer au dessus, ne plus y penser, tu le sais bien, et pourtant .. « Tu… Tu ne devrais pas y penser. Y’a juste eu un… un moment d’égarement et… » et ? et une obsession qui s'immisce en toi depuis. et cette attirance qui revient quand tu le vois. tu ne voulais plus le voir, l'oublier, l'effacer, l'éviter au maximum, mais maintenant qu'il est là, il n'y a que ses lèvres qui t'obsède, cette lèvre qu'il coince entre ses dents. il n'y a que ça que tu vois, et tu es obligée d'y penser, tu es obligée de t'en vouloir, parce que c'est mal. tu ne devrais pas avoir ce genre de pensées. c'est totalement déplacé. « Tu veux qu’on en parle ? » non, non, surtout pas non, tu veux oublier, tu veux retrouver à la fête, tu veux remplir ton verre et le boire de nouveau. tu veux juste l'éviter, encore, parce que tu n'arrives pas à contrôler tes émotions. pourtant, tu ne lui réponds pas. tu restes là, bloquée dans un silence si étrange. la peur de dire une bêtise certainement. « Tu sais… Je pense qu’on était pas bien ce jour-là. Je venais de me prendre la tête avec ta meilleure amie… Tu venais de te prendre le chou avec le mien. Et depuis tu ne lui parles plus, alors… C’est peut-être normal d’y penser, j’en sais trop rien… » oui, tu n'étais pas bien. lui non plus; et maintenant, tu es quoi ? toujours pas bien certainement, c'est donc ton explication à ce que tu ressens quand il pose ses yeux sur toi. certainement pas. c'est parce que tu ne vas pas bien. « C’était… physique. C’est… C’est rien. J’veux dire, on n’a rien fait. » l'envie et le besoin de réconfort certainement quelque chose dans ce genre là. deux âmes égarées et en colère. « J’ai fait ce qu’il fallait. Tu crois pas ? » tu secoues la tête, négativement, sans réellement t'en rendre compte. pour toi, il n'avait pas fait ce qu'il fallait, parce que maintenant, ça t'obsède. peut-être que ... peut-être que si vous vous étiez embrassés, tu aurais pu passer au dessus, oublier, mais là, c'est intenable. tu es obsédée, totalement.  « non, enfin oui, je ... on n'a rien fait de mal mais ... Luka .. je .. je n'ai pas envie d'en parler. s'il te plaît. » que tu lui chuchotes alors, comme si tu avais peur qu'on vous entende, comme si tu avais peur que quelqu'un débarque et vous accuse, t'accuse.  « vraiment, je veux juste oublier, je veux juste pas y penser, alors s'il te plaît, on retourne à la fête d'accord ? on retourne avec les autres. » parce que sinon, tu vas finir par lui sauter dessus, parce que sinon, tu vas finir par lui dire que tu es frustrée, que tu avais envie de plus, que tu avais envie qu'il continue et ce n'est pas bien. parce que tu es avec Mads, tu tiens à lui, réellement. ce n'est pas bien. il faut que tu évites Luka, à tout prix.

Sa tête dit non. J’entrouvre la bouche, surpris, sans savoir quoi dire, puis la referme. Je pense vraiment avoir fait ce qu’il fallait. Sur le moment, j’ai pensé à Mads, à ce qu’il penserait, au mal qu’on pourrait lui faire, le mal dont je pourrais être responsable et c’est ce qui m’a tout fait arrêter, parce que c’est un mec bien, génial, qui en a bavé dans la vie, même s’il ne m’a pas tout raconté de lui, je sens que ça n’a pas été simple et il mérite quelque chose de bien. Il mérite d’être heureux. J’ai retourné le problème dans ma tête tellement de fois depuis l’anniversaire de Lisa… Je hoche la tête, n’insiste pas plus longtemps. Elle ne veut plus en parler, alors on n’en parlera plus. Elle veut oublier, alors je vais la laisser faire ça. Peut-être qu’au bout de quelques semaines, ça passera, certainement. Elle reparlera à Mads, tout ira mieux entre eux et je ne serai pas celui qui se met en travers de leur route, je ne le veux surtout pas. « D’accord, d’accord. On n’en parle plus. » dis-je, en relâchant son bras. Je bois une gorgée, la dernière, puis me dirige avec Lisa vers l’intérieur. Sur le pas de la porte, je me tourne vers elle. « Bon… A plus tard, alors. » Après un simple sourire, je m’éloigne, elle aussi. Je fais le tour, retrouve mon pote qui est surpris de me voir là, dans cette fête, mais c’est une bonne surprise. Et pour moi aussi, finalement. Ca me fait du bien de retrouver les gars de la fraternité, de partager avec eux un moment, de ne plus penser à la bêtise que j’avais failli faire. Je ne peux cependant pas m’empêcher de regarder aux alentours, parfois, en cherchant Lisa du regard. Cette tension entre nous, ce froid qui règne, cette distance… Ca ne me met pas à l’aise. J’aimerais que les choses s’arrangent, revenir une semaine avant, éviter notre rapprochement pour ne pas que ça dégénère comme ça, parce que moi je sais gérer ce que je ressens, je suis tellement occupé ailleurs que je n’ai pas le temps de penser à moi, mais Lisa… Je vois bien qu’elle est paumée.

Je reste bien une heure de plus, avec un deuxième verre uniquement. J’aime boire et si je n’avais pas les terreurs à m’occuper, je serai bien moins raisonnable. J’en ai envie, parfois, mais je ne le fais pas. Qu’ils me retrouvent dans un sale état me refroidit. Je pose le gobelet sur un bord de table, m’apprête à partir, quand je relève la tête et la croise, Lisa. Elle a un type qui se rapproche un peu trop d’elle et je ne devrais pas m’en mêler. Elle est grande, elle sait ce qu’elle fait… Je lâche un soupir, m’approche d’eux, pose une main sur l’épaule de Lisa. « Salut. Elle est prise, je te conseille pas. » Le gars s’écarte, lève une main, comme s’il essayait de se déculpabiliser de la situation. « Aucun souci, mais la prochaine fois, essaie de tenir ta copine, elle ne tient pas franchement l’alcool. » J’ai cru voir ouais, à plusieurs reprises. « Viens, on va prendre l’air. » Je passe mon bras autour de ses épaules, pour l’aider à marcher vers la sortie. « Tu veux en parler ? » Et je ne parle pas de nous, je parle de ce qui ne va pas. Elle ne va pas bien.

« D’accord, d’accord. On n’en parle plus. » qu'il te lance finalement. oui, tu as gagné. alors tu repars, avec lui, jusqu'à l'entrée et vous vous séparez là, tous les deux. tu le laisses partir d'un côté, pendant que tu prends le chemin inverse, le chemin opposé. tu enchaînes les verres, peut-être un peu trop. oui, certainement même, mais dès que tu commences le vin, tu ne peux pas vraiment t'arrêter. c'est comme ça, quand t'es en soirée, tu bois, un peu trop, tu te retrouves vite dans la lune, même si en ce moment tu n'as pas vraiment de ça pour t'éteindre doucement. non, tu es autre part. alors la soirée se déroule, elle passe, l'ambiance est à son comble et tu profites au maximum de cette soirée. tu finis par atterrir à côté d'un mur, et d'un type, qui se rapproche, le sourire aux lèvres. il n'a pas l'air méchant, mais tu sais ce qu'il attend. c'est le genre de type un peu lourd, c'est aussi le genre à ne pas te connaître, s'il savait qui est ton copain, il éviterait de t'approcher parce que Mads, il peut faire peur, réellement. tu l'écoutes te parler, mais tu n'y fais pas vraiment attention, non, tu finis par poser ton verre encore plein et tu croises les bras sur ta poitrine en le fixant.  « Salut. Elle est prise, je te conseille pas. »  qu'il dit Luka, en posant sa main sur ton épaule. tu lèves ton regard vers lui, tu l'observes un instant Luka. t'as pas arrêté de le fixer. oui, t'as pas arrêté de regarder ce qu'il faisait. « Aucun souci, mais la prochaine fois, essaie de tenir ta copine, elle ne tient pas franchement l’alcool. »  toi, tu croises les bras, et tu le regardes. non mais, pour qui il se prend le type, il ne te connait pas ! tu vas pour répondre, mais forcément Luka apaise les choses, parce qu'il est beaucoup plus posé que ton caractère explosif et il finit par te guider vers l'extérieur. « Viens, on va prendre l’air. Tu veux en parler ? »  qu'i finit par te demander. tu le regardes, tu te cales contre le mur, parce que tu ne tiens pas vraiment debout. tu finis même pas retirer tes talons qui te font mal aux pieds. une fin de soirée comme une autre après tout. « tu m'obsèdes Luka. » que tu lui réponds finalement, sans vraiment faire attention. l'alcool délie les langues après tout. elle ouvre les coeurs et les pensées.  « tu sais ... il est mort. » que tu rajoutes. tes phrases n'ont ni queue ni tête, mais tu les prononces, sans filtre cette fois, parce que tu n'en as plus vraiment.  « la veille il était là, et le lendemain, il n'était plus là je ... je m'étais tellement attaché à lui et .. et il est .. mort, il est parti, il nous a quitté et .. je .. j'arrive pas. j'arrive plus. c'est ... la vie est une pute Luka. c'est toujours ceux qui méritent le meilleur qui obtiennent le pire. et moi .. moi, c'est plus pareil. » tu ne pleurs pas non, tes paroles sont dures, mais tu ne pleurs pas, tu as passé ce cap, rare sont les fois où tu verses une larme. t'es juste perdue.

Bam. Dans ta gueule, Luka. Je n’avais pas vu venir cette confidence et les battements de mon cœur se sont accélérés, si rapidement, si fort que j’ai l’impression qu’elle peut tout entendre. Je détourne les yeux, me calme, parce qu’il le faut, parce que je ne peux pas profiter de la situation, mais putain… Mon corps est appelé par le sien. Je m’apprête à faire un pas vers elle, me ravise. Si je me rapproche, si je lui réponds, ça risque d’aller mal et de toute façon, je n’ai pas le temps de le faire qu’elle reprend sur un autre sujet, sur quelque chose que je ne comprends pas. Je n’ai pas tout suivi, Mads ne m’a pas touché deux mots de ce qui se passait dans la vie de Lisa, il ne m’a pas expliqué ce qui la détruisait autant de l’intérieur. « De quoi tu parles… ? Qui est mort ? » Je suis inquiet pour elle. Ca la touche tellement, c’est forcément un proche. J’arrête un gars qui passe par là et lui demande s’il n’a pas une clope à me donner. Il acquiesce, m’en tend une et l’allume lorsqu’elle est coincée entre mes lèvres. Je le remercie, souffle la fumée et la tends à Lisa. « Je suis désolé pour toi, pour ce qui se passe en ce moment. Genre, vraiment. » C’est pas des paroles en l’air, ce n’est pas une phrase toute faite que sortent les gens quand ils ne savent pas quoi dire lorsqu’on vous annonce le décès d’une personne. C’est vraiment sincère. Je l’aime bien Lisa, je n’aime pas la voir aussi mal. Et je comprends son mal être, pour être passé par là. C’est dur de vivre avec un truc pareil, de relever la tête, de faire son deuil. Je ne l’ai jamais fait. Je ne connais pas l’astuce à lui donner pour se sentir moins mal. « C’est douloureux… Mais ça le devient un peu moins avec le temps. J’sais pas si on s’y fait vraiment… C’est juste que la boule au ventre, elle est un peu moins oppressante. » Je parle d’expérience… Je ne peux pas faire mieux. J’peux pas lui dire des choses pour la rassurer plus, pour lui faire du bien. Je m’adosse contre le mur, à ses côtés, plonge mes mains dans les poches et tire sur un caillou qui vole plus loin. « Tu veux que je te montre un truc sympa ? » Je pose mes yeux sur elle, lui adresse un sourire. Elle a l’air si mal… Et moi, je peux peut-être l’aider un peu à se vider la tête, à se changer les idées. C’est débile de penser ça alors qu’elle m’a avoué que je l’obsédais, que j’étais une raison pour laquelle elle se prenait la tête, mais j’y crois un peu. Sans attendre sa réponse, je m’avance vers ma moto, ouvre le coffre qui contient deux casques. J’en ai toujours un en plus, au cas où. « T’as pas peur en moto ? » demandé-je, en lui tendant un casque. Elle va aimer. Enfin, j’espère qu’elle aimera autant que moi j’aime ça.

tu enchaînes tes pensées, tu parles, tu ne laisses rien passer, tu parles et lui, il est obligé de s'accrocher devant tout ce que tu peux dire. c'est étrange, mais tu t'en fiches tu parles. autant de ton mal-être, que de lui, que de tout. « De quoi tu parles… ? Qui est mort ? » le petit futur DeMarchelier, ce petit bout que tu attendais avec impatience. c'est ce que tu voulais, tu le voulais, ce petit bébé mais non, il était parti, il n'était plus là. « Dréa ... elle l'a perdu. son enfant, elle a perdu son bébé. » que tu murmures à voix basse alors qu'il met cette clope entre ses lèvres. tu parles très doucement. « Je suis désolé pour toi, pour ce qui se passe en ce moment. Genre, vraiment. » il est sincère, Luka, il est toujours sincère, tu ne l'as jamais vu autrement, jamais, en plus d'un an que tu le connais, via Mads, tu ne l'as jamais vu d'une manière différente. « C’est douloureux… Mais ça le devient un peu moins avec le temps. J’sais pas si on s’y fait vraiment… C’est juste que la boule au ventre, elle est un peu moins oppressante. » avec le temps, il te faut donc du temps ? c'est ce qu'il essaie de te dire ? certainement, du temps. tu aimerais avoir du temps, t'aimerais que ça passe, que tu sortes la tête hors de l'eau, mais tu as énormément de mal. oui, tu as du mal à sortir de cet enfer depuis que l'annonce est tombée. tu as du mal à réagir et en même temps tu ne te comprends pas parce que tu n'étais pas la future mère. seulement la tante, sauf que ... tu es tellement proche de ta soeur que c'était tout comme. « Tu veux que je te montre un truc sympa ? » tu le questionnes du regard jusqu'à ce qu'il avance vers sa moto. tu la regardes, sa moto, tu n'étais encore jamais montée dessus, pourtant, tu es une incontestable fan des motos, sauf que tu n'en as pas. ta mère n'a jamais vraiment voulu que tu montes sur ces "montres à deux roues" comme elle les appelaient si bien. tu hoches la tête alors qu'il sort deux casques. « T’as pas peur en moto ? » tu secoues la tête. « pas du tout ... vraiment pas peur. tu vas me kidnapper Luka ? » que tu lui demandes, tu lui souris, il est faible, mais il est bien présent. il veut t'aider, veut s'occuper de toi, il veut faire quelque chose et tu ne peux que le remercier pour ce geste après tout alors tu prends le casque et tu le mets sur ta tête. il vient t'aider à l'attacher avant de monter sur sa moto et t'aider à en faire de même. tu t'agrippes immédiatement à son blouson en cuir qu'il a passé sur ses épaules juste avant, et tu colles ton corps au sien sans arrière pensées. ou presque d'ailleurs. il démarre et le son du moteur te donne des frissons. tu trembles déjà. « je suis prête, montre moi ! » que tu cries presque à cause du casque et du vrombissement de la moto. tu t'accroches fort à lui, prête à t'embarquer dans cette nouvelle aventure. tu ne devrais pas, mais tu n'es pas vraiment capable de refuser.

Oh merde… Ma tête doit en dire long. Dréa, je l’aime beaucoup. Elle m’avait tendu la main, elle m’avait aidé et apprendre qu’elle a perdu son enfant, qu’elle doit être hyper mal… Je culpabilise de ne pas lui avoir donné de nouvelles, je culpabilise de ne pas avoir su mettre de côté ma honte. Je sors mon portable machinalement, effleure les touches et rédige un court message que j’envoie, avant de me focaliser de nouveau sur Lisa. Je suis tellement navré de ce qui leur arrive à toutes les deux que je ne peux pas faire autrement que d’être là pour Lisa, lui propose un casque. Je souris, en haussant une épaule. « Ouais, si on peut dire. » Est-ce qu’on peut vraiment dire que je la kidnappe alors qu’elle souhaite bien se joindre à moi ? Avec son état de conscience, l’alcool qui coule dans ses veines, peut-être bien. Les casques enfilés, Lisa sur la bécane, je monte à mon tour, fait vibrer mon moteur et tourne la tête sur le côté pour entendre ce qu’elle me crie. Ses bras s’accrochent à moi et jamais ça n’est arrivé jusque-là, pas comme ça. Je fais abstraction de cette nouvelle sensation, démarre  la moto qui part d’un coup, puis plus vite ensuite. Je connais ma moto sur le bout des doigts, à tel point que je fais moi-même les réparations dessus, les améliorations, alors quand il s’agit de passer entre les voitures, d’en éviter certaines, je suis le maître. Je ne pourrais m’en passer, je ne pourrais m’en séparer, notamment pour cette sensation que l’on ressent lorsqu’on roule, ce vent qui fait du bien, qui nous caresse. J’arrive rapidement au centre-ville, me gare dans une petite rue et retire mon casque. « Ca a été ? T’as bien aimé ? » lui demandé-je, avec un sourire sur le visage. Je suis content de ce trajet, avec elle. Je descends, remet les casques dans le coffre et mets l’antivol. On ne sait jamais. « J’espère que t’as pas le vertige. » J’attrape sa main dans la mienne, ouvre la porte d’un immeuble avec un code que je connais sur le bout des doigts, un code qui n’a pas changé depuis qu’un pote a déménagé et je l’aide à monter dans les escaliers, à parcourir les sept étages à pieds, puisque pas d’ascenseur. Il est tellement mal foutu cet endroit, il part en miettes, mais je l’aime malgré tout et elle va très vite comprendre pourquoi. Au dernier étage, j’ouvre le placard, prends le bâton en fer qui traîne et tire sur le loquet de la trappe qui cède, puis prends l’échelle rangée que je place juste en-dessous. « Suis-moi. » Je monte jusqu’en haut, me tourne vers Lisa pour récupérer sa main et la mener jusqu’en haut. Je me tourne vers Lisa pour récupérer sa main et l’attirer dehors, avec moi. « Fais gaffe. » Le toit sur lequel nous sommes est plat, mais il n’y a aucune barrière. « J’aime bien cet endroit, parce qu’on peut voir une bonne partie de la ville, parce que c’est apaisant, quand il fait nuit. J’y viens parfois… Ce n’est pas… extraordinaire, mais je trouve ça… sympa. » Si ça se trouve, elle ne va pas du tout aimer, si ça se trouve, ça va la décevoir et elle va se rendre compte que mes goûts sont vraiment minables.