(Léandre) âme d'artiste

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tu regardes l'heure, tu n'as pas envie de rentrer chez toi, tu n'as pas envie d'entendre les appels de ta mère, tu n'as pas envie de croiser ton concierge non plus. non, tout ce que tu veux, c'est te poser, c'est d'ailleurs ce que tu fais. tu t'installes à la première terrasse de café que tu croises, un café que tu connais très bien puisqu'il s'agit d'un des cafés étudiants les plus réputés. tu y vas souvent, avec des amis, avec des collègues, c'est comme ça que ça se passe ensemble. surtout en période de révisions parce que la plupart ont du mal avec la bibliothèque. passons, tu t'installes, tu commandes un café, parce que tu ne peux commander autre chose en pleine journée sans passer pour une ivrogne, ce que tu n'es pas. n'est-ce pas. tu sors ton carnet à croquis, le second. le premier, c'est l'officiel, celui que tu montres, celui qui t'ouvres des portes, celui qui se base essentiellement sur l'architecture, sur des croquis, sur des maisons. là, tu sors le deuxième, celui qui est un peu plus sombre, celui qui est entièrement et seulement personnel. c'est celui qui te sers à décompresser, celui dans lequel tu fais ce que tu veux, tu dessines ce que tu veux sans aucune gêne, sans la peur d'être jugée par la suite. alors tu le sors, tu l'ouvres, et ton fidèle crayon gris se place délicatement entre tes doigts, à sa place. tes idées divagues, ton crayon s'acharne, la gomme aussi; tu remarques à peine le serveur qui t'apporte ton café, tu ne remarques pas son rire, ni même ses yeux qui te scrutent. non, tu es absorbée par tes pensées, certaines bien particulières, d'autres plus normales, plus dans les normes alors que toi ... alors que toi, tu n'as plus rien à voir avec les normes. tu dessines un visage, un visage féminin, des yeux de biches. tu t'attardes sur les yeux, sur le regard. ce n'est pas un auto-portrait, ce n'est pas non plus le portrait d'une demoiselle que tu connais quoique ... c'est peut-être ressemblant avec elle. elle, la Anna, la femme de celui qui occupe tes pensées. c'est sûrement elle. t'en aie presque certaine, mais tu ne veux pas t'en rendre compte. tu ne peux pas t'en rendre compte. ton téléphone vibre, mais tu n'y fais pas attention. tes longs cheveux blonds virevoltent, mais ça nous plus, ça ne t'alerte pas. ce qui t'alerte, c'est sûrement le jeune homme qui s'attarde, c'est ce qui te fait lever les yeux vers lui.

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Il y avait ces jours où tout allait bien, et il y avait ceux où tout allait mal. Enfin. Tout était relatif. Bon nombre de gens auraient estimé qu'au final, c'était pas si terrible que ça mais pour Léandre, c'était l'horreur. Voilà bien deux ou trois heures qu'il jouait devant des passants qui ne posaient même pas les yeux sur lui. Peut être qu'ils n'aimaient pas Schubert? Soit. Vexé pour une raison totalement sans fondement et terriblement futile, il rangea son violoncelle dans son étui. Un bel étui. Il était d'un noir brillant et le jeune homme aimait entendre le claquement des fermoirs. Aussitôt emballé, Léandre disparut dans la foule - en vérité il n'y avait pas grand monde, mais il aime disparaître dans la foule, alors il fait comme ci -, son violoncelle à la main. Il ne lui fallu pas longtemps avant de débouler dans un endroit fort intéressant. Ayant pris l'initiative de marcher dans une direction au hasard, il ne s'imaginait pas atterrir devant un café étudiant. Léandre n'était pas étudiant, mais sans même se poser la question de si oui ou non il pouvait y entrer, il entra. Bien décidé à aller voir ce qu'il y proposait à boire, quelque chose s'interposa, sûrement la curiosité. Il s'était arrêté, les yeux rivés sur le dessin que jeune femme griffonnait dans une carnet. C'était joli. Même, très. Très joli. Le dessin et le personnage. L'auteure aussi sûrement, mais il ne voyait pas son visage. Jusqu'à ce qu'elle lève la tête vers lui. Il contemplait le dessin, les yeux de cette drôle de femme dégageait quelque chose d'étrange, à regarder dans le vague quelque chose que Léandre ne pouvait imaginer. Alors il reposa ses yeux sur celle qui lui avait dessiné de tels yeux.

- Elle un regard terrible dites moi, dit-il en souriant.

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il te regarde à peine, comme concentrer par le dessin que tu es en train de réalité. alors toi, tu prends le temps de le contempler lui, tu prends le temps de regarder ses traits en te demandant si tu le connais. ce n'est pas le cas, tu ne le connais pas. son visage ne te dit rien. Elle un regard terrible dites moi sa voix non plus, tu redescends ton regard sur ton dessins, ta main se pose à plat sur la table avant de se relever et de venir doucement caresser les traits de crayon. « vous trouvez ? » tu regardes les deux yeux, le regard sombre, le regard pourtant bien présent, pas si lointain que ça. tu reposes tes yeux sur le jeune homme, et tu tentes un léger sourire. « avant que vous ne demandiez, non, elle n'existe pas, enfin si, dans mon esprit apparemment. je l'ai fais sans réellement m'en rendre compte. » que tu souffles finalement avant de designer la place devant toi. « enfin voilà, une âme d'artiste, c'est tout. » que tu enchaînes, tu regardes le jeune homme, tu regards sa sacoches, dans laquelle doit se cacher un merveilleux instrument. « mais il me semble que vous connaissez non ? » tu désignes de la main l'instrument caché dans son sac et tu lui souris, une nouvelle fois. « vous jouez ? enfin ... question stupide, j'imagine bien que vous ne vous baladez pas avec pour le simple plaisir. désolée. » tu remets doucement tes cheveux blonds en place, derrière ton oreille, tout en t'écartant de ce dessin représentant quelques démons qui eux ... ne veulent pas s'éloigner de toi, quelques démons qui t'échappent, qui t'emprisonnent avant de revenir à la charge pour te réveiller. c'est ce que tu vois, toi, dans les yeux de la femme que tu as dessiné. deux démons qui sortent de leur orbite. finalement, tu prends la feuille et tu la retournes, comme si tu regrettais. en quelques sortes oui, tu regrettes d'être dans cet état, tu regrettes d'être ainsi, d'être dépendante d'une chose aussi forte que l'alcool. ton dessin te ramène doucement devant la réalité, te prouve tranquillement que tu ne vas pas bien.

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Léandre l'écoutait parler, tout en la détaillant. Elle avait une jolie voix. Et un joli nez. Les jolis nez inspirait parfois le jeune homme. Elle désigna la place devant elle, libre. Il prit ça pour une invitation, mais attendit qu'elle finisse de parler avec de s'asseoir, sans aucune raison précise. Une âme d'artiste. C'était une drôle de manière de dire les choses, mais Léandre la trouva vraie. Elle lui posa une question, Léandre s'assit. Une question bête? Pas forcément, il aurait pu se balader avec l'instrument de n'importe quel ami.

- Oui, je joue. Il se contenta de dire ça, un air presque énigmatique sur le visage. Il se disait souvent qu'il aurait pu poser pour la Joconde.

Il posa soigneusement son étui à côté de la table et croisa ses doigts, regardant encore une fois ce drôle de dessin. Vu d'ici, il avait l'impression que ce terrible regard dévisageait son auteur. Léandre avait peut être beaucoup d'imagination, puis elle retourna sa feuille, il avait l'impression que ce terrible regard la dévisageait pour du vrai et qu'elle s'en sentait peut être mal à l'aise.

- Vous êtes illustratrice? Il demanda. Elle était jeune. Ou étudiante peut être... Vu l'endroit, c'était peut être une remarque plus judicieuse.

Léandre regarda à droite, puis à gauche, observant ce qui l'entourait avec curiosité, il ne voyait pas grand chose, alors il plissait les yeux. Il était myope comme une taupe, il trouvait les lunettes gênantes. Finalement, ses yeux évasif revinrent sur la feuille retournée, puis remontèrent vers la jeune femme.

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l'alcool est un terrible fléau. tu t'es renseignée sur le nombre de personnes touchés par cette maladie, et tu as pris peur. tu n'en as pourtant jamais rencontré. peut-être sont-ils comme toi, ils se cachent, ils ont honte, ils passent leur chemin sans crier sur tous les toits qu'ils sont alcoolique, comme tu les comprends, tu aimerais tant que les gens l'oublies. des fois, tu as l'impression que c'est écrit au feutre noir sur ton front. Oui, je joue. tu t'en doutais, qu'il y jouait, tu t'en doutais, et c'est donc un artiste, qui est là, devant toi, pas un dragueur fini qui a seulement vu ton dessin comme le meilleur moyen pour t'aborder. Non, apparemment, il est aussi dans ce monde qui t'appartient, à moins que ce ne soit le monde qui te possède, t'en sais plus grand chose maintenant. Vous êtes illustratrice? Ou étudiante peut être... tu lui souris, doucement, ta main posée sur cette feuille que tu as retourné par envie, par besoin, par nécessité. « étudiante oui. » que tu confirmes finalement. « en architecture et design, normalement ce n'est pas tellement les visages et les paysages que je dessine, ce sont plutôt les matériaux, les architectures, les maisons, mais ça ne fait pas de mal, de temps en temps de laisser son esprit divaguer. » mais pas trop, non, surtout pas, il ne faut pas qu'il divague de trop, parce que tu aurais trop peur de te perdre, oh ça oui, tu aurais l'impression de te perdre, et lorsque tu te perds, tu as souvent peur de ne jamais revenir; de tomber, toujours plus bas, toujours plus loin, comme si c'était une obligation, une éventualité qui ne pouvait pas s'écarter.

» (LEANDRE) Advienne que pourra.