Airlie ▏Quand vient la fin des examins

Le temps s'écoule au compte-gouttes. Comme tous les vendredi après-midi, ou chaque fin de semaine en général, l'amphi est à moitié vide tandis que l'autre dort paisiblement. Apparemment, ils n'ont toujours pas compris que les soirées sont mouvementées à Biarritz. Quelle bande de petits joueurs. En attendant, eux n'ont pas à écouter le cours soporifique de Monsieur Lambert. C'est peut-être pour cette raison qu'ils dorment aussi profondément, et pas seulement à cause de la gueule de bois. Nous sommes à peine une dizaine à être encore éveillés après tout juste vingt minutes de cours de méthodologie. Ne supportant pas l'idée de piquer du nez sur cette chaise inconfortable, je range mon ordinateur en faisant le moins de bruit possible pour quitter cette leçon interminable.

▬ Je peux savoir ce que vous faites mademoiselle ?

Il n'a pas l'air ravi de cette intervention malvenue. On peut noter ses sourcils froncés qui interrogent ma conduite, son menton qui se relève par la colère d'être interrompu ainsi que sa main gauche qui vient se poser sur ses lombaires en signe d'exaspération face au temps précieux que ce détournement d'attention lui fait perdre.

▬ Il est évident que je quitte votre cours, non ? Il m'ennui à mourir et je préfère rentrer chez moi plutôt que de croupir ici avec pour fond sonore votre voix monotone.

Sitôt dit, mes pas me guident en bas de l'escalier avec assurance de décontraction sous le regard ébahit des quelques étudiants éveillés. Quant au professeur, cet élan de franchise le laisse sans voix jusqu'à ce que je disparaisse de son champs de vision. L'air frais est revigorant après avoir laissé ces 640 muscles s'engourdir face au tableau blanchit par la craie. Impossible de ne pas en profiter lorsqu'on n'a pas le permis de conduire, ni l'envie de dépenser de l'argent pour une voiture et son entretien. Un bon vélo est bien moins onéreux et surtout plus bénéfique pour le corps, avouons-le.

Le miroir de l'entrée me renvoi une image plutôt plaisante du travail acharné fournit dans la salle de bain. Cette jeune femme face à moi à de parfaits cheveux bruns bouclés qui lui tombent en cascade dans le dos et sur les épaules. Ses yeux clairs sont assombris par un maquillage impeccable mêlant traits de liner parfaitement symétriques -ho miracle- et mascara au rendu bambi. Mais ce qui attire d'avantage le regard chez elle, c'est cette magnifique robe rouge et cintrée qui la met si bien en valeur. Oui, elle est canon. Et par chance, elle n'est autre que moi. Ce n'est pas tous les jours que je croise ce reflet dans le miroir. Pas peu fière ce résultat, je quitte la colocation pour marcher jusque chez Airlie. Nous avions convenu quelques semaines plus tôt de sortir ensemble au restaurant pour fêter la fin des examens, et ce n'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde. En espérant que ça ne lui soit pas sortie de la tête, je frappe à la porte puis attend qu'elle vienne m'ouvrir.

Passer une heure dans un bon bain chaud et mousseux me fait un bien inimaginable. Il s'agit sans aucun doute la meilleure thérapie du monde. Les muscles qui se détendent un à un, l'esprit qui se libère de toutes les pensées accumulées dans la journée, il n'y a rien de tel. C'est un vrai crève-cœur d'en sortir, même si il y a des choses plus importantes à faire en cette fin de journée. Une serviette sur la tête, je rejoins ma chambre en sous-vêtements sans aucune gêne. Seule la moitié de la coloc est présente. Aramis est cloîtré dans sa chambre pour changer, Mattie est barrée avec un ami plus vieux faire un tour de France, Ariane doit encore barrée je ne sais où, Lys répète sa musique dans son coin, Nora n'a sûrement pas finit ses cours de la journée et Jules bah … Jules quoi. Alors traverser un simple couloir et culotte et soutient-gorge ne risque pas de me tuer. Ce qui va mettre fin à ma vie c'est plutôt la recherche de la tenue idéale pour cette soirée. Chiante jusqu'au bout. Il ne reste plus que le défi de la patience : l'étape maquillage. On peut donc dire que trois heures après être rentrée, je suis enfin prête à ressortir. Heureusement que ce n'est pas comme ça tous les jours, ce serait à en devenir folle.

Il fait encore jour dans les rues de Biarritz. Et pour la première fois, ce n'est pas sans but que je les traverses. La tête haute, le regard droit. La maison d'Airlie n'est pas si loin que ça au final. Quelques pâtés de maison à peine. Deux quartiers et quelques rues, tout au plus. Non, vraiment. Ne pas avoir de voiture c'est un véritable bonheur au quotidien. Pourquoi ne pas avoir prit le vélo ? Avec cette robe, faut pas rêver. Se balader à moitié nue ne me dérange pas tant qu'il n'y a personne pour le remarquer. Donc la bicyclette, pour ce soir c'est non. Gagner ou non quinze minutes ne fait aucune différence. Surtout une fois devant la porte.

▬ Salut me dit-elle en ouvrant la porte.

Tout sourire aux lèvres, je la prend dans mes bras en guise de salutation. Elle est belle Airlie. Des longs cheveux blonds, un regard mystérieux, un sourire colgate et un corps de rêve. Ok, j'ai pas vraiment à me plaindre mais elle elle est ... Whoua. Sauf que quelque chose cloche aujourd'hui. Elle a quelque chose dans le regard qu'est pas comme d'habitude, sauf qu'elle essaie de le cacher. De me le cacher. Quelle idée.

▬ Dis-moi tout dis-je sans détour en entrant chez elle à sa suite.

Qu'elle me le dise ou non, je finirais pas le découvrir tôt ou tard. Autant pour elle d'aller droit au but plutôt que de me pousser à analyser le moindres de ses mouvements toute la soirée jusqu'à ce que je sache son petit secret. C'est à elle de voir comment elle veut que ça se déroule.