(Matilda) Lancement d'une procédure

« Allez, shoooo! » J’étais en forme ce matin. C’était une journée qui avait bien commencé. Et c’était pour dire, avec Julian on ne s’était pas disputé, on avait même passé le petit déjeuner ensemble. Et c’était trop rare pour que je le note. Je crois qu’on peut se sortir de cette routine qui nous a enlisés. J’ai de l’espoir, et quand j’ai de l’espoir, j’ai le sourire aux lèvres. Je songe qu’il faudrait que je contacte Mino pour savoir où il en est avec Gaby. Mais je suis arrivée au cabinet avec un grand sourire ce matin. Même que j’avais un grand café pour Casey.

J’étais dans mon bureau depuis une petite demie heure quand je dis à Casey qu’il pouvait faire entrer le premier rendez-vous de la journée. Un certain Luka Galdeano. Un petit sourire aux lèves j’attends que ladite personne entre dans la pièce pour me lever et lui tendis la main. « Bonjour. » je souris et il me serre la main avant de s’asseoir en face. J’en fais de même « Bonjour Monsieur Galdeano. Que puis-je faire pour vous » dis-je en ouvrant mon bloc-note et prenant mon crayon. « Alors voilà… J’aimerais savoir la procédure à suivre pour adopter mon frère et mes deux sœurs. J’aimerais… J’aimerais pouvoir retirer l’autorité parentale que ma mère exerce sur eux. » je hochais positivement de la tête et pris quelques note en dessous de son nom que j’avais noté en lettres capitales en haut de la feuille. Je ne répondais rien pour l’instant le laissant terminer son histoire. « Elle n’est jamais là. Quand elle est là, c’est pour boire à n’en plus finir, pour nous ramener un mec chez elle. Elle ne s’occupe pas de nous, elle ne travaille pas, elle ne fait rien pour ses gamins. Elle s’absente des semaines sans nous laisser de nourriture et… Et je ne peux pas le dire, tout ça, parce qu’il est possible que si les services sociaux se chargent de l’affaire, ils nous séparent. » je continuais à prendre des notes. Et hochais toujours gravement de la tête. Oui c’était vrai il y avait fort à parier que les services sociaux les séparent. Son histoire me touchait déjà bien que je n’en laissais rien paraitre. C’était tout moi. Je ne montrais aucune émotion, c’était ça d’être avocat. Il ne fallait pas trop montrer son humanité. On ne pouvait pas forcément défendre toujours les innocents. Heureusement ça ne m’était que trop peu arrivée. Et je croisais les doigts pour que ça continue ainsi. « C’est possible, n’est-ce pas ? Si je monte un dossier en béton, c’est possible. » Je levais enfin les yeux sur lui depuis qu’il avait commencé  parlé. Je devais probablement lui paraitre distante. Foire peut être même. Je posais mon style et joignais mes mains devant moi à la hauteur de mon menton. « Oui. » répondis-je simplement avant d’esquisser un sourire. « L’adoption ne sera peut être pas possible, mais il est tout à fait possible de devenir le tuteur légal de vos frères et soeurs. » Je posais le menton sur mes mains jointes. « Cependant, je me dois de vous signifier qu’il va s’agir d’une démarche longue, et très difficile. C’est pas un dossier facile à constituer ni une affaire aisée. » je relâchais la pression sur mes mains et me relaxais un peu posant mon dos sur mon dossier. « Mais pour cela, nous allons monter un dossier en béton Monsieur Galdeano.  » dis-je un sourire victorieux aux lèvres. Bien sûr que j’acceptais son dossier. Mon point faible était la famille. Et il voulait prendre soin de sa famille. A vrai dire il m’avait eue en prononçant que très peu de phrases.

« J’en ai conscience et je suis prêt à faire tout ça. » je souriais doucement. oui. j’en étais persuadée. ça se lisait sur son visage. ça se lisait dans ses yeux, sa manière d’être à l’aise mais pourtant tout aussi inconfortable. la légère crispation que je sens dans sa mâchoire. il était déterminé. et c’était ce que j’aimais voir chez mes clients. il était là pour une cause qui lui tenait à coeur, c’était pas un simple coup de tête, « tiens si j’adoptais mes frères et soeurs pour faire chier maman ». bien sûr il faudrait que je assure de tout, mais tout en lui criait la vérité. une vérité pure qui laissait entendre qu’il n’avait pas vécu que des moments faciles dan sa vie. « Merci… Merci beaucoup… » doucement je hochais négativement de la tête. il n’avait pas à me remercier. « ne me remerciez pas. » dis-je du bout des lèvres. « remerciez vous de ce que vous faites pour vos frères et soeurs. croyez moi, c’est courageux et extrêmement louable. » dis-je avec un petit sourire. il semblait délivré d’un poids. comme si je avait libéré du monde qui pesait sur son dos. je souriais de nouveau et lui tendis la boite à mouchoir toujours posée sur mon bureau.

« Je… Je travaille… » j’arquais un sourcil. oui c’était un bon point, bien sûr il faudrait voir ça pour mener le dossier à bien. mais en l’occurence je ne voyais pas où il voulait en venir puisque pour le moment nous en étions qu’aux discussions. « Combien c’est ? Je pourrais vous payer en plusieurs fois ? » je soufflais un peu, surprise mais comprenant maintenant mieux son regard fuyant. « Je comptais abandonner mes études pour trouver un autre boulot. » je fronçais les sourcils et le laissais continuer de parler. « Mais pour le moment, mes revenus ne sont pas à la hauteur. » ça j’en doutais pas. « Mais je peux avoir l’argent, ce n’est pas un problème. » je joignais mes mains de nouveau et répondis de manière brutale. « NON! » le faisant sursauter. « je ne veux pas de votre argent Monsieur Galdeano. » dis-je avec simplicité. « vous allez en avoir pour la procédure. Et je ne suis pas le genre de rapace à vous saigner à blanc. » dis-je en souriant pour essayer de le rassurer. je posais mes mains à plat sur le bureau. « n’arrêtez pas vos études. surtout pas. » je pris une inspiration. « je vais prendre votre dossier pro bono. sans aucun frais. » est ce qu’il allait protester? je ne lui en laissais pas l’occasion « et ce n’est pas discutable. » dis-je avant de rire un petit peu. « vous savez, c’est bien de penser à votre famille. » dis-je en posant à présent mes mains sur mon ventre. « mais pensez aussi à vous. il va vous falloir des revenus stables pour pouvoir justifier de la demande de tutelle, et je vous assure qu’on y arrivera, mais une fois la procédure terminée, une fois qu’on aura gagné ce combat, il restera vous Monsieur Galdeano. ne renoncez pas aux études pour l’instant. continuez le plus que vous pouvez. pour vous, et pour eux. ne leur donnez pas là possibilité de se dire qu’à cause d’eux leur frère n’a pas pu continuer ses études. et ne vous donnez pas la future pensée, même non-désirée, de leur en vouloir pour ça par la suite. » je marquais une petite pause qu’il puisse ingérer les informations.

« Je… Je veux juste qu’ils soient bien. » je souriais très largement, oui est c’était bel et bin pour ça que j’étais tout à fait d’accord pour l’aider. c’était parce que je ressentait cette fibre familiale en lui, cette fibre que j’avais moi même. bien sur ça n’avait rien de comparable étant donné que la famille Favre ne se résumait -dieu merci- pas qu’à ses cinq enfants. mais quand même, il y avait un truc qui me touchait chez lui, je ne saurais pas mettre le doigt réellement dessus. une chose était certaine, j’étais déterminée à l’aider, ça serait dur, difficile et long, mais j’étais déterminée à l’aider et obtenir gain de cause pour lui. c’était un des buts que je m’étais fixée au moment ou je l’avais vu franchir le pas de la porte; ou il m’avait exposé sa situation et sa volonté.

« C’est un ordre, quelque chose comme ça… ? » je hochais de la tête positivement. c’était un ordre, oui précisément. « tout à fait monsieur Galdeano. » dis-je amusée de sa réaction. « Je vous remercie. Et cette fois-ci, ne me demandez pas de ne pas le faire. » je fis une petite moue renfrognée mais en réalité j’acceptais tout à fait ses remerciements, même si j’en avais pas besoin, je pouvais comprendre qu’il ait besoin de me remercier. je souriais un petit peu. j’avais surtout envie de les aider. la situation n’était pas facile, et justement ça ne pouvait pas durer ainsi. je ne le laisserait pas faire.

« Je fais des études de médecine. J’ai 22 ans, l’an prochain si par miracle j’arrive à valider mon année, j’accéderai à l’internat. Vous me voyez, moi, persévérer dans cette branche alors que je demande la tutelle de mon frère et mes sœurs ? » je soupirais doucement, oui c’était pas faux. c’était pourtant dommage. mais les études de médecine étaient très prenantes. j’en savais quelque chose, mon fiancé était pédiatre, et il n’avait pas réussi à l’être en « se tournant les pouces ». « C’est en effet difficile, je le conçois. » il m’impressionnait. vraiment. « Il faut faire des choix dans la vie. Je ne sacrifie pas la mienne entièrement, je fais juste le choix de gagner en disponibilité et de gagner un peu plus d’argent. A côté de ça, j’ai la natation qui me prend du temps et… Je pourrais me focaliser là-dessus. J’ai le mannequinat aussi. Je… Je ne peux pas être médecin. Ca demande trop… de temps. » sa maturité était étonnante et vraiment très rassurante aussi. j’avais l’impression de m’entendre parler si j’avais été à sa place. j’aurais tout à fait pu tenir le même genre de discours. je souriais un peu et hochais faiblement de la tête. il avait raison. je le laissais parler. « J’aurais aimé être médecin généraliste. » je souriais simplement. « qui sait, peut être que ça sera possible plus tard. » dis-je confiante. « Je ne leur en veux pas, ils ne sont fautifs de rien. Je le fais par choix. Ma vie, c’est la leur. » je souris, oui bien sûr, mais peut être qu’un jour ça pourrait arriver. on ne sait jamais. « vous avez raison. » dis-je en hochant de la tête positivement. « Une chose à la fois, mais pour le moment on va commencer à penser à votre famille, ça ne veut pas dire qu’après vous ne pourrez pas recommencer, et devenir généraliste » oui j’étais confiante.

j’étais déterminée à l’aider, parce que Luka, c’était étrange, me rappelait moi même parfois. cette intensité qui l’animait quand il parait de sa famille, de la protéger. t je ne pouvais qu’être admirative de son entreprise. une longue et ardue entreprise, mais qu’il voulait néanmoins tout de même mettre en place pour offrir à ses frères et soeur une possibilité d’un meilleur avenir. et ça, c’ était beau. je marchais au coup de coeur moi. et lui, il avait tapé bien fort, en plein dans mon coeur d’italienne au sang chaud. d’italienne attachée à sa famille et aux liens du sang. donc oui, je serais là pour l’aider, même si ça devait être difficile; je l’aiderai. j’étais confiante. je ne doutais pas de moi, c’était pas de l’arrogance, mais, j’étais certaine qu’on pourrait arriver à quelque chose ensemble. « Peut-être. J’aimerais au moins valider, tenter de le faire du moins, mon année. Si jamais, dans quelques années, je venais à reprendre mes études de médecine, ça pourrait m’être d’une grande aide. » je hochais de la tête. oui faire des études c’est toujours bien. il faut en faire, meme si certains sont surdiplomés et ont du mal à trouver du boulot de nos jours, ça ne veut pas pour autant dire que leur diplômes sont inutiles. ils serviront forcément un jour. « on va se renseigner, mais oui, essaye de valider le plus de module possible. » normalement il sera possible par le futur de continuer où il s’était arrêté. du moins à mon époque c’était possible. je me renseignerais sur le sujet.

« Alors, comment on fait ? Comment on démarre la chose ? Et qu’est-ce qui va se passer, concrètement ? » je souris et pose les mains à plat sur le bureau. les choses concrètes commencent. « déjà il va falloir faire une demande délégation d’autorité parentale. en l’occurrence forcée. Votre mère va être déclarée désintéressée. » je sors un papier et note pour lui les informations. « Nous allons saisir le Juge des Affaires familiales afin qu’il valide le fait qu’en effet vous êtes celui qui prenez soin de votre famille, que votre mère n’est pas là pour assumer vos frères et soeurs ainsi que vous même. » je le regarde un sourire aux lèvres, ça sera le plus facile ça a priori. « Je me chargerai de la lettre mais je lui donnerai vos coordonnées qu’il puisse étudier la demande » je croise les jambes et le regarde. « J’aimerais assurer à ma petite famille que tout se passera bien, qu’ils resteront à mes côtés tout au long de cette procédure. C’est tout ce qu’ils ont besoin. La petite dernière, Clare, elle ne dort pas sans un câlin et Sloan sans une histoire. La plupart du temps je les invente, parce que nous n’avons pas énormément de livres à la maison… » « Calmez vous. Calmez vous, le juge prendra en compte tout ça. et moi je serai là de toutes façons pour vous appuyer » je lui adressais un clin d’oeil. « Vous aimez votre famille il faudrait être idiot ou aveugle sourd et muet pour s’en rendre compte, et le juge le verra très bien. Toutes ces petites habitudes. Ces détails que vous savez vous seront très utiles. Ils pèseront lourd dans la balance. » je souriais. « Cependant ça ne sera pas forcément facile. Le juge enverra des gens vous voir. Afin d’étudier la situation, la raison réelle de la demande, si c’est justifié. L’enquête sociale se portera autant sur vous, que sur vos frères et soeurs. Mais aussi sur votre mère. » dis-je en continuant à noter les informations pour lui. « Je ne leur en ai pas encore parlé. J’avais peur d’un refus. » je souriais « Je comprends bien. Mais il va falloir leur dire. Tout va changer » dis-je d’un ton grave. « Pour le meilleur normalement. Et puis leur avis sera demandé. Les sentiments de l’enfant sont primordiaux dans ce genre de situation. » dis-je en souriant. « Voilà ce que ça va impliquer pour eux. Pour vous par contre. Il faudra prouver que vous pouvez vous en occuper. Que vous avez le moyens financiers, mais aussi psychologiques de les assumer. Il faudra pouvoir prouver un logement adapté, un emploi stable » je me mordais un peu la lèvre. c’était terriblement idiot tout les pré-requis qu’on demandait alors qu’il ne voulait qu’aider sa famille. « Et surtout sur le long terme. Car vous vous engagez sur une longue procédure, et ce sont des jeunes enfants, il vous faudra vous en occuper jusqu’à leur majorité. » dis-je doucement. je ne voulais pas lui faire peur, mais surtout qu’il comprenne ce à quoi on allait devoir faire face tous ensemble. j’étais dans le même bateau moi maintenant. « N’ayez pas peur. Est ce que vous avez quelqu’un de confiance, qui pourra vous soutenir dans la démarche. Autant pour les enfants que simplement pour vous même ? » demandais-je avant de fermer le stylo puis retourner la feuille et la faire glisser vers lui. « Pensez y. Transmettez moi les coordonnées de vos proches, de ceux qui seraient susceptibles de vous aider ou vous soutenir. » dis-je en lui donnant une feuille et mon stylo. « Même le facteur si vous vous entendez bien avec lui. Le juge ne se gênera pas, et je ne veux pas omettre le moindre détail. » Doucement je croisais les bras sur le bureau. « En tout cas, vous pouvez me joindre sur mon téléphone personnel n’importe quand. » dis-je en lui montrant du doigt mon numéro que j’avais indiqué au haut de la feuille d’informations.