(maona) before the storm

Les premiers jours qu'elle passait à Biarritz et enfin, après deux jours passés dans les cartons, elle avait enfin l'impression d'avoir fini d'aménager son petit chez soi. Il lui manquait encore quelques trucs, comme des étagères, et de quoi ranger ses affaires de peinture, mais ça pourrait attendre un peu, ça ne pressait pas. Elle allait se remettre doucement à la peinture, ça allait la changer. Ici, les paysages étaient très différents des alentours parisiens. Mais il ne faisait aucun doute qu'elle allait facilement s'y habituer. Tout était si beau ici, si naturel, si loin de la masse grise formée par les buildings parisiens. Elle savait qu'ici elle allait pouvoir puiser des inspirations qu'elle n'aurait pas eu là-bas, et ça lui allait parfaitement. Et puis ici, elle avait la mer, la plage. Ca valait cent fois mieux que les quais de Seine et que Paris Plage ! C'était compliqué de changer de ville, de changer de vie comme elle le faisait, sur un coup de tête, mais elle n'arrivait pas à regretter. C'était dure, mais elle savait qu'elle allait se plaire ici. Peu importe le temps que ça allait lui prendre avant de s'adapter comme elle était adaptée à la vie parisienne, elle savait qu'elle serait bien ici. Et puis de toute façon, elle savait d'avance qu'elle allait être amenée à faire des aller-retours sur Paris pour voir son père. Même si leur relation avait toujours été très compliquée, elle ne pouvait pas le laisser complètement seul là maintenant. Il n'était pas seul, il s'était fait des amis à la maison de repos, mais quand même. Elle n'avait jamais vraiment été loin de lui depuis la mort de sa mère, et elle ne voulait pas le laisser comme ça. Il lui avait donné son accord pour la laisser partir, mais elle avait promis de ne pas l'abandonner. Et qui sait, peut être un jour arriverait-elle à le convaincre de la laisser le transférer dans une maison de repos ou dans une maison de retraite plus proche de Biarritz.

Enfin bref, elle n'avait pas envie de penser à ça maintenant. Elle avait envie de sortir, de découvrir les environs. Elle avait décidé d'aller marcher un peu en bas de chez elle. Elle n'était pas encore vraiment sorti, si ce n'était avec Elise, le soir de son arrivée. Elle ne savait même pas ce qui se trouvait aux alentours de chez elle. Alors elle avait décidé d'aller marcher un peu dans sa rue, histoire de trouver ses premiers repaires. Et à peine descendu de chez elle, elle eut tout juste le temps de fermer sa porte à clé qu'en tournant la tête, elle remarqua deux personnes, un homme et une femme, ou plutôt une jeune fille, qui se disputaient. Enfin elle ne savait pas exactement, ils criaient tous les deux et la jeune femme semblait se débattre. Et ce n'est que quelque seconde plus tard qu'elle comprit que la jeune femme se faisait voler. Elle vit l'homme courir vers elle, avec le sac de la jeune femme. Et réflexe, elle mit son pied dans son chemin pour le faire trébucher. Bingo ! Il se retrouvait la tête sur le trottoir. La vie parisienne ne servait pas à rien apparemment. Elle se baissa pour prendre le sac et le carnet qui en était tombé, en adressant deux mots à l'homme qui peinait à se relever. « A ta place, je dégagerai si tu veux pas que j'appelle les flics. » Et sans un mot de plus, elle se retourna vers la jeune femme qui semblait à la fois apeurée et choquée par ce à quoi elle venait d'assister. « Mademoiselle vous allez bien ? Vous êtes blessée ? » lui demanda-t-elle en la prenant par le bras. « Vous êtes toute blanche, vous devriez vous asseoir. Venez. » Elle la guidait jusqu'à un banc qui se trouvait sur le trottoir. Elle lui rendait son sac à main et le carnet qui allait avec, un carnet à dessin apparemment. « Tenez, je m'appelle Elise. Est-ce que vous voulez que j'appelle une ambulance ? Ca va aller ? » Le côté maman poule d'Elise ressortait à ce moment-là, mais elle semblait si fragile et si jeune, que pour elle, c'était relativement naturel de se comporter comme ça.

Elle n'était pas du genre à jouer les super-héros, Elise. Mais elle était courageuse. Et elle détestait ne rien faire devant une situation. C'était sans doute son caractère de parisienne. Oui, ce n'était pas stéréotype que de dire qu'il y avait de l'action dans les rues de Paris. Mais généralement, il y avait tellement de monde qu'il y avait toujours un mec pour réagir. Mais là, on était à Biarritz et il n'y avait pas tant de monde que ça, alors bon… Elle n'allait pas rester là, à regarder ce qu'il se passait, sans rien faire, puis repartir en faisant comme si elle n'avait rien vu. Non, c'était hors de question. Le mec avait fini par terre, tant mieux, elle ne lui aurait quand même pas couru après parce qu'elle était un poids plume donc bon… Mais là, elle n'hésitait pas vraiment à récupérer les affaires de la jeune femme et à lui les ramener, en étant sûr que l'homme qui se relevait péniblement n'allait pas revenir l'embêter. Elle la conduisait sur un banc pour l'asseoir. La pauvre, elle avait l'air toute fine, sans doute incapable de se défendre, encore moins face à quelqu'un d'aussi violent. Elle était toute blanche, et elle n'avait pas envie de la laisser comme ça. « je ... je ... merci, merci Elise » Elle avait l'air contente de retrouver son sac, ce qu'Elise pouvait comprendre. « Oh il n'y a pas de quoi ! » Elle avait de la chance, ça ne lui était jamais arrivé, mais elle savait que si un jour on venait à lui voler son sac, elle s'en remettrait sans doute assez difficilement ! Elle en voudrait aussi à mort à la personne qui lui aurait pris son sac. Non, en fait, elle lancerait des recherches pour être sûre de retrouver cette personne et la tuer de ses propres mains. On ne touche pas à son sac, on ne touche pas au sac d'une fille de manière générale. « désolée, je ... il faut que je me reprenne je ... je suis Maona et vous êtes mon héros du jour, vous avez ... vous l'avez mis à terre ! je suis ... admirative, vous avez récupérer mon sac, comment est-ce que je pourrai vous remercier ?  » Elise souriait. Enfin, elle avait juste tendu le pied pour le faire tomber, ce n'était pas comme si elle l'avait vaincu par K.O. sur un ring de boxe. « Non vraiment ce n'est rien, c'est normal. C'est vraiment pas grand-chose. » Elle n'aimait pas que les gens se sentent redevables comme ça envers elle, elle avait fait ce qui lui semblait naturel. Sans doute que n'importe qui aurait fait la même chose si elle avait été à la place de la jeune femme… Peut être. « Et puis, je lui ai juste fait un croche-pied, vraiment, ce n'est vraiment pas grand-chose. Je comprends à quel point un sac à main peut être précieux ! » Oh que oui elle le savait.  Mais vous ça va ? Il vous a fait mal ? Vous vous sentez bien ? » Beaucoup de questions Elise, beaucoup trop de question. « Enfin pardon, je vous demande trop de chose d'un coup, mais vous avez l'air très pâle, ça va aller ? » Elle s'inquiétait un peu trop facilement, Elise. Mais elle était comme ça. Et puis elle semblait si jeune cette fille, enfin cette femme. Peut être devrait elle changer de sujet un peu, parce que c'était bien sympa tout ça, mais parler d'autre chose, s'éloigner de cette violence, c'était sans doute le meilleur remède pour cette jeune femme. « J'ai vu que vous aviez un carnet, vous dessinez ? » Voilà, engager une discussion lambda, ça aiderait sans doute Maona à reprendre des couleurs.

Elle souriait en voyant la gratitude de la jeune femme, qui en viendrait peut être à la gêner. Mais au fond, sans doute qu'elle aurait réagit pareil à sa place. « vous ne m'enlèverez pas l'idée que vous m'avais sauvé vous savez, vous avez été courageuse, et oui ... un sac à main, c'est presque une vie entière. alors le perdre ... bref, ça va aller, ça va aller, il faut juste que j'arrive à respirer. c'est la première fois vous savez .. qu'on tente de me voler mon sac, je connais Biarritz, et ce n'est jamais arrivé. » Elle souriait. D'un côté, c'était pas le genre de chose pour lesquelles les gens prévenaient et s'inquiétaient de savoir si c'était la première fois ou pas qu'elle se faisait voler son sac à main. Ca serait certainement bien plus pratique, mais non, ça ne marchait pas comme ça. « Prenez votre temps surtout. Est-ce que vous voulez que j'aille vous prendre quelque chose ? Une bouteille d'eau ? J'habite juste au dessus, ça ne pose pas de problème. » Trop bonne, et peut être trop conne. Parce que si ça se trouve, elle allait accepter, Elise allait monter et ne retrouverait personne en revenant donc bon… Mais elle ne perdait certainement rien à proposer toujours. Et puis elle ne connaissait pas grand monde ici, donc quitte à faire connaissance, autant donner une bonne image de sa personne, bien qu'elle ne forçait en rien dans sa bonté naturelle. « il fallait une première fois je pense, mais heureusement que vous étiez là. » Elle souriait. Elle allait finir par se sentir gêner. Bon d'accord, c'était peut être un peu vrai, mais quand même… Mais selon elle, elles devraient arrêter de parler de cette agression. Parler de quelque chose de plus positif. Elise mentionnait alors le carnet de la jeune femme qu'elle avait trouvé. « je fais mes études, là dedans. je dessines tout et n'importe quoi, enfin oui, mais je fais des études en architecture et design » L'architecture… Elise ne pouvait s'empêcher de penser à Eneko à ce moment-là. Peut être qu'elle le connaissait… Elle préférait essayer tant bien que mal de s'enlever cette idée de la tête. « Très bon choix d'études ! » se contentait-elle alors d'ajouter, ne sachant pas que lui dire de plus. « j'ai un tas de carnet à dessin là dedans. je n'aurai pas supporter de toute perdre. » Elise souriait. « Je comprends tout à fait. Je suis peintre, et j'ai absolument toutes mes idées, tous mes essais, tous mes brouillons dans des carnets que je trimballe un peu partout… » Elle ne laissait personne les regarder ces carnets. C'était son jardin secret, son monde. Et si elle venait à les perdre elle s'en remettrait très difficilement. « Comme quoi, la vie d'artiste à aussi ces aléas ! » dit-elle en rigolant. Mais au moins, Maona pouvait être rassurée, ces carnets étaient bien là, dans son sac.

« non non, ne vous déplacez pas, ne vous inquiétez pas, ça va aller, ça va bien se passer. c'est juste l'adrénaline quoi doit redescendre, mais franchement, c'est vraiment adorable, merci. » L'adrénaline, oui, sans doute, mais quand même. Cet aspect un peu trop maternelle d'Elise ressortait, elle ne pouvait pas s'en empêcher. Même avec une parfaite inconnue. Elle avait l'air si jeune de toute façon… Elise ne savait pas quel âge elle avait, la vingtaine sans doute. « Pas de soucis, si vous changez d'avis… » Mais elle comprit qu'il valait mieux qu'elle arrête d'insister, et qu'elle change de sujet, parler d'autre chose aiderait sans doute plus la jeune femme que de parler de ce qu'il venait de lui arriver. Elle lui parlait du carnet qu'elle lui avait ramené plus tôt, un carnet de dessins, apparemment. « le Destin a fait que je tombe sur vous, c'est indéniable ! » Elise ne put s'empêcher de rire à ses mots. Elle ne croyait pas du tout au destin, mais pourquoi pas. « j'ai longtemps hésité entre l'architecture et la peinture, enfin ... avec l'exposition de mes oeuvres, mais j'avais trop peur que ce soit dur d'être jugée et puis travailler seule, dans mon coin, j'avais peur que ce ne soit pas pour moi. j'étais plus attirée par l'effet de groupe, de travail en équipe, tout ça. » C'était drôle. Elise se reconnaissait en cette jeune femme. A son âge, elle n'avait pas vraiment eu l'opportunité de se poser la question, elle avait agit au coup de coeur. « Oui je comprends, j'avais les mêmes appréhensions, mais j'avais encore plus peur d'être enfermée dans un bureau en choisissant l'architecture. Et les critiques, en général, il y a des critiques positives pour rattraper les négatives… Mais c'est pas toujours facile, c'est vrai. » Elise, elle ne s'y fit que partiellement. Elle écoutait les gens en qui elle avait confiance, les connaisseurs, ses proches, ces gens là. L'avis des autres ne comptait pas vraiment pour elle. « du coup, j'emmène aussi tout ça avec moi, on ne sait jamais quand est-ce que l'inspiration peut venir. » Et l'inspiration pouvait apparaître n'importe où, à n'importe quel moment. Elise était bien placée pour comprendre. Elle répond à ce sourire, puis un silence. « je ne vais pas vous embêter plus longtemps, vous devez avoir des choses à faire et moi aussi, je devais aller voir mon père. » « Oui bien entendu ! » Mais non, Elise n'avait rien à faire pour le moment, si ce n'était de flâner dans les rues de Biarritz. Et de découvrir la ville. «merci encore Elise, je vous revaudrait ça à l'occasion et si vous exposez dans le coin, j'entendrai votre prénom et je débarquerai. » Elise sourit. Elle se levait à son tour. « Avec plaisir ! Je n'ai pas encore d'exposition de prévu, mais je serai heureuse de vous y voir. A bientôt Maona ! » Et sur ces mots, elle tournait les talons. Elle ne savait pas vraiment si cette jeune femme vivait dans son quartier ou pas, mais sans doute serait-elle amenée à la recroiser un de ces quatres…