(maggie) i'm the robin to your batman ... or the other way around ...

« Allez.. » C’est le silence dans la baraque, personne pour venir troubler sa concentration qui ferait pâlir, d’inquiétude, le moindre de ses proches parce que c’est pas le genre de la petite dame. Elle se disperse toujours, elle fout le bordel et après elle vous regarde ranger avec le sourire de l’innocente vierge qui attend juste qu’on la pousse dans le volcan. D’ailleurs, elle l’a sa robe de sacrifice, au cas où, un jour, Biarritz vive le même drame que Pompei qui a pas vu le Vésuve lui éclater à la gueule, avant de se prendre le tout en pleine tronche. « Dis-toi que c’est qu’une étape à passer.. » Allongée par terre, le menton sur ses mains, la carotte continue de fixer son interlocuteur qui ne fait que pousser des petits couinements, les moustaches qui s’agitent et son regard qui brillent de larmes qui ne coulent pas. « T’es stressé, c’est pour ça ? » Et elle a l’air tellement d’y croire, que Carpette va finir par lui répondre et ça la surprendrait même pas. « J’ai dis un truc qui te reste en travers ? Mais quand j’ai dis à l’autre fille que ça servait à rien de faire ‘carpette’, c’était pas contre toi hein.. C’est une expression tu vois, comme mouche-à-beurre. Tu vois le genre? » Et le rat de continuer de la fixer, de cet air qui sous-entend que tout ce qu’il attend d’elle c’est qu’elle lui refile à bouffer et qu’elle arrête de parler. Une chance pour lui, parce que Maggie entrouvre la bouche que son téléphone lui coupe la parole pour se mettre à vibrer. Chargé à la prise depuis deux heures, il se rallume à peine et à la vibration contre la plainte, elle comprend qu’on a du essayer de la joindre, alors elle se glisse jusque sous son bureau, à la force des bras, pour écouter le message. « Allez Carpette, boude plus et concentre-toi.. Ça va faire trois jours que t’as pas évacué, je vais être forcée de t’emmener chez le véto après.. » et elle joue avec le fil du chargeur en écoutant la voix de Ramsay; pourquoi c’est elle qu’on appelle l’embrouille alors que c’est toujours Maggie qui finit par s’embrouiller. Faudra qu’elle lui demande, puis aussi qu’elle l’interroge sur cette culotte inconnue. « Mygale ? Je m’en vais, tu surveilles Carpette. » De ses doigts fins, elle tapote la cage pour réveiller le plus gros des deux rats qui gémit un peu, le chat qui rapplique presque immédiatement pour coller ses moustache contre les barreaux. Maggie lui tapote les fesses avant d’attraper son blouson pour rejoindre Ramsay à la boutique, réalisant à mi-chemin qu’elle a oublié son téléphone dans sa chambre et qu’elle est pas bien sûr d’avoir fermer la fenêtre.. Ça la travaille pas plus que ça, ni même de réaliser qu’elle s’est embrouillée avec ses chaussures et qu’elle a un converse verte et l’autre multicolore. Le look aléatoire à la Maggie. « Je crois que j’ai vu Michael Jackson en venant.. Il était tout gris. » Et elle pointe le pouce derrière elle en fermant la porte, la clochette qui s’agite et la fait sourire comme une débile. Sans attendre, elle rejoint Ramsay à la caisse et se hisse sur le comptoir pour s’asseoir, tranquillement, alors qu’un client est encore là, avec son commis à la main. « Tu sais qu’à la fin, il paraît qu'il meurt ? J'ai lu ça sur vikipéda. » Où comment gâcher son plaisir à un fan.

L’aisance avec laquelle elle s’installe, tranquillement, sur le comptoir, les jambes croisées et un magazine qui traîne qu’elle feuillette sans trop lire ce qui est écrit, parce qu’elle comprend pas la moitié de ce que ça raconte, pourrait en gêner beaucoup. Pas Ramsay. Il a trop l’habitude du côté assez peu, pour pas dire qu’il est inexistant, pudique et réservé de la petite rousse et, de toute façon, Magali s’est jamais posée assez longtemps pour se demander si ça pouvait le déranger. Elle s’interroge rarement, de toute manière, parce qu’à chaque fois une question en amène une autre et ainsi de suite jusqu’à ce qu’elle soit incapable de les contenir et qu’elle les balance toutes, en même temps, sans laisser de répit à personne pour lui donner une réponse correcte. C’est-à-dire une réponse qui la satisfait suffisamment pour qu’elle daigne se taire et passer à autre chose. Ses doigts, dont elle lèche le bout, tournent les pages et elle s’arrête sur une image de fusée qui la fait gentiment rire, parce que ça ressemble à un suppositoire géant et que c’est le genre de connerie qui peut lui faire tenir un fou-rire plus de dix minutes. De toute manière, Facebook lui a dis qu’elle mourrait tuée par la blague tueuse, alors du coup elle est en suspens. Pour le moment, les blagues qu’elle a entendu, bien que très bonnes, ont pas mis sa vie en danger. « Il sait faire le moonwalk, Jeremy ? » Et elle perd déjà le fil de la discussion, passe à autre chose en un claquement de doigt et lève le nez vers le pauvre garçon, qui la dévisage comme si elle venait de dire une aberration. Moue pensive, Maggie écarquille un peu les yeux et baisse le regard vers Ramsay qui lui envoie un coup de coude. « Mais non, il a pas besoin de moi pour marcher, si ? » C’est clairement insensé ce qui se profile sous ses yeux, quoique ce qui reste de l’ordre du stupéfiant c’est qu’aux yeux de Maggie ce soit la situation qui soit improbable et pas les énormités qui s’échappent de ses lèvres. « Bha alors, tu vois qu’il meurt.. » Et sa main tape le magazine qu’elle tient, comme s’il la prenait pour une tâche, alors qu’elle vient de dire la même chose que lui quelques minutes auparavant. Magali le suit du regard, toujours assise en tailleur sur le comptoir, avant de froncer les sourcils. « Ça serait bête, parce que si tu mets la clef sous la porte, tout le monde pourra rentrer. Et si on te vole, tu peux plus vendre après, du coup.. Contente toi de la cacher sous un pot de fleur, ou de la mettre dans ta poche. » Amen. Maggie a parlé. Elle se replonge dans sa lecture approximative, pas trop gênée d’être encore au milieu alors que, visiblement, Ramsay voudrait peut être bouger de là, mais comme elle sait toujours pas ce qu’ils mangent ou, juste, comment se finit l’article qu’elle lit en travers.. « Ça donne quoi alors ? » Et, alors là, si le pauvre écossais ne se souvient plus de ce que son message sur le répondeur disait, c’est clair qu’ils iront pas loin, parce que Maggie repart sur une conversation antérieure à son arrivée comme si ça venait tout juste de se produire. La logique, façon Alix.

Dans son crâne ça foisonne, y a toujours quelque chose qui se passe, même si tout le monde lui demande constamment si c’est pas vide, si y a pas juste du vent et, parfois, une tempête. Pour expliquer son attitude étrange, ses réflexions un peu (beaucoup) hors-sujets qui n’ont de sens que pour elle et, encore, parfois aucun, mais il lui faut quand même les jeter dehors, les cracher au vent et voir si ça touche quelqu’un.. Une personne assez ouverte pour les attraper et lui en renvoyer d’autres, comme dans un match de ping-pong, même si Maggie vous direz qu’elle sait pas y jouer et que sa raquette ressemble plus à une petite pelle à pizza, avec un manche raccourcit, probablement à cause du lavage. Faut bien, pour dire autant d’inepties, que ça carbure là-dessous, c’est juste qu’elle a été monté à l’envers et que ses parents ont perdu le mode d’emploi, après les déménagements successifs. On s’évite des migraines, alors, on la laisse dans son coin avec sa bêtise, qui frôle la folie, on cherche plus à comprendre et on l’ignore, juste. La froideur des autres ne l’a jamais stoppé, simplement parce qu’elle ne la comprend pas, ne la voit pas tout simplement et puis elle s’en fiche; y a Ramsay. Il est con lui aussi, mais pas comme elle, parce qu’elle sait qu’il fait exprès, lui, d’être bête, pour la faire rire. Puis il comprend quand elle parle, il a très certainement suivis des cours de Magali LV2 à l’école, même si elle ignore le mode de fonctionnement du système scolaire écossais. Pas anglais. Elle a déjà fait l’erreur de le traiter d’anglais, une fois, il l’a très mal pris et Maggie a même cru que Ramsay voudrait plus lui parler; ça lui a coûté cher pour qu’il lui pardonne, cher comme deux figurines Star Wars et un chocolat chaud aux marshmallows. Ce jour-là, Maggie a du casser sa tirelire vache pour payer tout ça. « La maison peut pas rembourser, c’est pas une personne de toute façon, alors t’es obligé de le lire et de revenir en acheter. » Elle fixe le pauvre adolescent qui prend presque ses jambes à son cou. Ouais, y a plein de trucs dans son crâne, à Magali; des oiseaux, des arc-en-ciel, une balançoire, des pingouins qui glissent sur la banquise. Son cerveau c’est un peu comme le sac de Mary Poppins, elle y entasse plein de bordel et les ressort quand y a besoin, ou pas, même si des fois elle y perd quelques trucs, parce que c’est grand. « Le double des clefs, à moi ? T’as pas peur. Éclair de lucidité, réflexion sensée. On devrait l’applaudir pour cet effort. Parce que je crois que le monstre chaussettophage sous mon lit, il mange aussi les petits objets qui brillent. Il doit être à moitié pie. » ou pas.. L’éclair fut court. Son regard quitte à nouveau le magazine, qu’elle finit par poser près d’elle, pour tapoter sur le comptoir, ses jambes qui se balancent doucement et ses pieds qui tapent un peu le la vitre. « Je sais pas.. J’ai regarder Hook y a pas longtemps, alors je me suis dis qu’un repas imaginaire ça serait chouette, mais pas très nourrissant.. Ou alors de la nourriture indienne ? J’aime bien. Ou alors des sushi.. Je pourrais faire le morse avec les baguettes, t’aime mon imitation du morse, j’le sais. » Et son index vient tapoter le front de Ramsay, dans un sourire amusé, peut être un peu rêveur, comme d’habitude.

Elle a pas conscience des choses, Magali, jamais. Son mode de réflexion est tellement simplifié, à l’extrême, qu’y a tout un tas de trucs qui lui échappent, qui lui effleurent même pas l’esprit, à commencer par les sous-entendus, les clins d’oeil complices et les sourires qu’on partage quand on se lance un vanne. Parce que déjà, de un, Maggie elle imagine réellement qu’on se « lance une vanne », même si elle ignore franchement où on peut en trouver une prête à se faire jeter. Puis de deux, elle est pas méchante, jamais consciemment en tout cas. Elle a pas cette perversion psychologique qui la pousse à jeter des trucs francs et blessants, dans l’unique but de faire mal quelqu’un; elle, quand elle parle c’est parce que les mots s’échappent tout seul, sans qu’elle prenne le temps de les peser correctement. C’est ce que son psy lui reproche et essaie de lui enseigner; tourner sept fois sa langue dans sa bouche (ou celle de quelqu’un d’autre, elle est pas regardante) avant de la ramener. Sauf que ça marche rarement, pour ne pas dire jamais. C’est fluide, chez Magali, ça part de ses neurones qui se connectent fébrilement et ça se termine sur le bout de sa langue alors qu’elle articule ses pensées les plus profondes et les plus surprenantes. Y a rien de très normal chez elle, ni son comportement en société ni ses échanges verbaux avec les gens; ne serait-ce que pour le second degrés, qu’elle maîtrise comme un chef, si tant est qu’elle s’en rende compte. « Ma voyante dit que ça se combat pas, les monstres comme ça. Ça aussi c’est un sacré problème, le fait qu’elle passe la plupart de son temps libre au téléphone, à tchatter avec une vieille timbrée qui se dit médium.. Excepté qu’elle devine jamais quand Magali va l’appeler et donc qu’elle ne décroche jamais avant que Maggie ait composé le numéro.. Hmm.. ouais.. Faut apprendre à vivre avec. Sinon c’est la porte ouverte sur la xénophobie, tu vois. » Et de temps en temps, ça, ça se produit. Des éclairs de génie, d’intelligence qui se profilent et qui flottent; signe qu’elle a au moins les neurones connectés quand elle est en cours, même si on peut pas forcément dire qu’elle réutilise ce qu’elle apprend de manière cohérente et réfléchie. Et puis le silence, dans son crâne. La petite rousse sourit de toutes ses dents, attrape une mèche de ses cheveux et joue un peu avec en regardant le plafond d’un air absent, les yeux d’un fou, halluciné et une mine un peu ahurie. Y a clairement quelque chose qui tourne pas rond chez elle et jusqu’à maintenant, personne s’en est jamais vraiment inquiété, sauf son frère avec son idée débile de lui faire consulter. On a déjà maman qui s’éparpille, on a pas besoin d’un autre membre de la famille, qu’il dit en fronçant les sourcils, les poings sur les hanches, à chaque fois que Magali essaie de faire sauter la séance de thérapie. Alors elle obéit, sagement et elle ressort souvent avec les idées encore plus vagabondes.. Enfin.. La plupart du temps. « Tu crois que ça donnerait quoi un morse et une vache.. Un Morche ? Une Vorse ? Une marse? » Elle essaie de visualiser la bête, un peu dépité parce que dans son imaginaire elle finit par abattre la pauvre créature ignoble, qui demande juste à être achevé. La voix de Ramsay la ramène, pas assez pour pas qu’elle divague, mais suffisamment pour qu’elle parvienne à se concentrer deux secondes sur ce qu’il lui dit et quand il la fixe, comme ça, Magali devine qu’il attend probablement qu’elle dise un truc. Alors elle fait une moue étrange, se tapote le menton du bout des doigts et finit par lâcher un banal « Quatre. » dans un hasard complet. Elle aime la surprise, l’idée de pas savoir à quoi s’attendre et pendant qu’il finit de prendre la commande, Magali saute de son perchoir, petit oiseau qui ne vole pas, pour se balader dans la boutique et regarder la rue en collant son nez à la porte vitrée. Y a pas nuages, ce soir. Mais elle sait plus ce que ça veut dire et comme elle a aucun lien de parenté avec Monsieur Météo, elle se contente de regarder le ciel dégagé d'un air d'âne mort sur un bord d'autoroute.

Sa propre étrangeté lui échappe, comme si c’était le monde, tout autour d’elle, qui ne tournait pas rond, qui ne s’élançait pas dans la bonne direction, qui allait à contrecourant alors qu’elle, pauvre folle, essaie de marcher droit et comme il faut. Après tout, qui peut se dire assez sain d’esprit pour la cataloguer, elle, comme timbrée, l’image d’une boussole détraquée qui lui vient à l’esprit, doucement, ses aiguilles qui s’affolent et pointent toutes les directions. C’est peut être ça, être un peu fou finalement, vouloir aller partout, tout faire, sans en avoir le temps. Il n’y a que les gens assit sur le cul sur une chaise, le nez collé à une vitre, qui n’ont rien à craindre, à part peut être la solitude et la simplicité de leur réflexion qu’une bonne conversation bizarre n’entretient pas. Magali n’a rien de ce qu’on trouve chez les malades mentaux habituels, finalement; elle ne parle pas toute seule, elle n’a pas d’hallucinations, n’entends aucune voix. Elle est juste différente, mais c’est vrai que dans un monde où c’est le conformisme qui prime, Magali dénote et déplaît. Qu’ils aillent au diable, tous, avec leurs idées préconçues de ceux que sont les gens normaux, sociables et biens. Elle, au moins, n’a rien à se reprocher. Aucune erreur de parcours, aucun coup porté, aucune insulte jetée hormis celle d’être ce qu’elle est; un alien. Pourtant elle accepte l’idée de devoir, un jour ou l’autre, rentrer dans le moule et se fondre dans la masse, l’idée qui se profile, le plan qui prend forme, alors que son frère lui fait suivre des séances. Pour son bien, qu’il dit toujours. Pour mon bien, finit-elle par penser. C’est peut être lui l’homme héroïque, qui veut protéger sa soeur contre elle-même, alors dans ce cas, ça fait quoi de Ramsay ? Celui qui nourrit sa bêtise, sa douce folie. Il vaut mieux l’ignorer, sans doute. « Ça n’existe pas les trolls. Mais ça expliquerait l’odeur de sa bouche.. Mine pensive, yeux plissés, la demoiselle se plonge dans une réflexion sans but, perdue d’avance, avant de finalement hausser les épaules. C’est une femme très bien, on devrait pas en dire du mal. » Parce que si Ramsay lui donnerait sa vie, Maggie, elle, confierait son âme à cette bonne femme qu’elle semble connaître depuis toujours. Le temps n’a pas d’importance réelle aux yeux de la petite rousse, simple nombre qui grossit et grossit, menace d’éclater à force de grandir. Faut dire que ça fait peur, ça. Vieillir, mûrir. On a rien inventé de plus laid pour décrire le fait de se rapprocher un peu plus de la fin. Mais ça, ça lui échappe un peu, le regard qui parcourt la pièce, l’air un peu perdue quelque part où personne ne peut las suivre, même le plus insistant des aventuriers. « Ça serait un Morsien.. Rectification rapide, sourire amusé. Dans le genre, on pourrait dire pareil du Marsouin. J’aimerais bien en voir de près. » Rêve d’enfant, sourire d’illuminée. Magali vagabonde déjà, animal indomptable qui se perd constamment, hausse les épaules et continue de regarder dehors, en attendant quelque chose qui ne vient pas. Godot, probablement. C’est qui, Godot. Nouveau sourire. « Je sais pas. Après tout si c’est comestible, pourquoi pas. » Elle a pas le concept de l’écoeurement, sa curiosité qui l’empêche de se mettre des réelles limites, toujours à l’affût d’une nouveauté, d’un quelque chose qui lui apprendre du nouveau, de l’amusement. « Je dirais qu’elle n’est pas finie, alors je te dirais ça demain. T’as vendu beaucoup de bande-dessinées aujourd’hui? » Ses doigts pianotent sur la vitre, sourire fendu d’amusement.